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Débats

Pour une démocratie efficace et écologique : la Métropole du Grand Paris

Après les tribunes de Pierre Mansat et Patrick Braouezec, le débat sur la gouvernance de la métropole francilienne continue. Pour Europe Écologie – Les Verts, la création d’une Métropole du Grand Paris offrirait à une région aux frontières élargies les institutions démocratiques et écologiques qui font actuellement défaut.


Dossier : Le Grand Paris, une métropole en marche ?

Un constat est partagé : les inégalités sociales, creusées par la politique du gouvernement, aggravées par la crise et révélées par les territoires, sont devenues explosives. Accès au logement, loyers et charges, accès à l’emploi, mobilité, accès au transports et temps de parcours, mais aussi conditions de travail, éducation, liberté d’aller et venir, tranquillité publique, santé et alimentation, distribution et prix de l’eau, gestion des déchets (collecte et traitement), exposition aux pollutions, bruits et stress, émissions de gaz à effet de serre, territoires urbains contre terres agricoles, etc. Un grand nombre des inégalités ne sont pas abordées comme des enjeux politiques, n’ont pas d’institution responsabilisée pour les traiter ou sont victimes de la fragmentation de la gouvernance francilienne. Les métropoles, comme les citoyens, aspirent à d’autres règles.

La dette écologique de Paris envers la banlieue

Pendant des décennies, la ville de Paris a construit des déséquilibres territoriaux, entretenant à son profit inégalités sociales, environnementales et économiques. Paris a gardé les revenus et les bénéfices et exporté tout ce qui l’encombrait : industries polluantes, usines d’incinération, garages, gazomètres, mais aussi cimetières, logements sociaux, etc., considérant la banlieue naissante comme un territoire servant.

De même que les pays riches ont une dette écologique vis-à-vis des pays pauvres, on peut dire que Paris a une dette écologique vis-à-vis des territoires alentour qui ont nourri son développement : une dette environnementale liée à l’exportation de ses nuisances, une dette économique évidente lorsqu’on compare les taux d’emploi, et une dette sociale, résumée par les différences de potentiel fiscal entre Paris et ses voisines accueillant les ménages plus pauvres.

La noblesse du centre a justifié la vassalité de la périphérie, jusqu’à ce que la croissance urbaine vienne inverser le rapport de forces, aboutissant à un blocage. Les décennies de paix armée entre les collectivités locales franciliennes, alors même que l’agglomération continuait à croître, lui ont fait accuser un retard abyssal de gouvernance.

Depuis 2001, la politique menée à Paris s’inscrit en rupture avec cet immobilisme. La politique des coopérations intercommunales, puis Paris Métropole, ont porté leurs fruits. Les relations de Paris avec ses voisins se sont apaisées et le dialogue s’est installé. Miser sur cette évolution favorable était possible, mais c’était sans compter sur l’intrusion brutale et non concertée du président de la République. À grand renfort de discours, de ministres, d’institutions et d’accords, tous plus « historiques », dispendieux et inutiles, le gouvernement a lancé sa stratégie du coup de pied dans la fourmilière. Mais l’État s’avérant impécunieux et faisant face à la fronde des élus locaux, le résultat est nul.

Une métropole plus démocratique

N’en déplaise à certains, la métropole est déjà là. Et la mise en œuvre d’un développement coordonné, durable et démocratique des territoires est la prochaine étape. Pour l’heure, l’invraisemblable enchevêtrement et la fragmentation des politiques publiques franciliennes, nettement aggravés par le mandat sarkozyste, sont à l’origine d’inégalités, de dysfonctionnements, de statu quo, de rivalités et d’imbroglios aussi incompréhensibles qu’inacceptables pour les citoyens et les citoyennes.

Si Paris Métropole a rempli son rôle en dégelant les rapports entre collectivités locales, ce syndicat d’études a aussi montré ses limites. Son statut (études) et son mode de fonctionnement (une collectivité égale une voix) ont pour pendant son absence de pouvoir de décision. De leur côté, les intercommunalités récentes exacerbent la césure entre territoires riches et pauvres. Chacun tente de se regrouper de façon homogène. Les premiers, plus riches, le font pour fuir autant que possible les contraintes de solidarité, tandis que les derniers, plus pauvres, imaginent que la mutualisation de leurs difficultés les rendra un peu moins fragiles. Enfin, les différents syndicats techniques (eaux, assainissement, traitement des ordures ménagères, gaz, électricité, etc.) s’observent et se concurrencent tandis que chacun campe sur son territoire sans coordination globale.

Une gouvernance doit reposer sur des valeurs et des logiques, sous-tendre un projet et permette d’aller vite dans la mise en œuvre des nouvelles politiques. Elle doit s’envisager par étapes. Le principe du « pôle métropolitain », qui repose uniquement sur la bonne volonté, évoque un monde enchanté des élus locaux, spontanément solidaires et partenaires, auquel il est permis de ne pas croire. Aller vers une simplification et une démocratisation des intercommunalités nécessite la mise en œuvre d’un scrutin qui assure une représentation directe de la population en même temps qu’il garantit celle des communes (dans une nouvelle institution métropolitaine). Pour aller vers le rééquilibrage indispensable, il est important que l’institution soit respectueuse des territoires et dotée de pouvoirs réels.

L’acte III du Grand Paris : une Métropole efficace dans une région confortée

D’abord, la création d’une Métropole du Grand Paris prendra tout son sens au sein d’une région plus forte. Les régions françaises sont des naines politiques à l’échelle de l’Europe. En France, d’autres découpages existent : pour des fonctions stratégiques comme l’armée ou pour les élections au Parlement européen, leur nombre est déjà réduit à sept. Pour que son périmètre traduise sa zone réelle d’influence et son fonctionnement quotidien, l’Île-de-France doit fusionner avec de nouveaux territoires à sa périphérie et devenir une vraie région multipolaire. À cette condition, l’exercice régional pourra enfin porter la stimulation et la régulation d’une vraie dynamique coopérative et complémentaire entre la Métropole et ses territoires adjacents.

Afin de respecter les initiatives et projets de territoires locaux, le périmètre de la Métropole du Grand Paris devra pouvoir évoluer et inclure les intercommunalités adjacentes sur la base du volontariat. Nous proposons une organisation sui generis reposant sur trois piliers institutionnels.

Première institution : le Conseil métropolitain

À l’échelle de la métropole du Grand Paris, un conseil serait constitué, composé sur le principe de la double représentation des citoyens et des territoires (les intercommunalités et les arrondissements). Par exemple, les territoires pourraient désigner un tiers des conseillers métropolitains, tandis que les deux tiers seraient directement élus au suffrage direct par les citoyens.

Une fiscalité unique et harmonisée pour l’ensemble des taxes de base (foncière et habitation) permettrait de dégager des ressources nouvelles pour la solidarité avec les territoires périphériques. En complément, une dévolution budgétaire obligatoire d’une fraction significative des recettes au niveau local ou intercommunal assurerait une capacité d’intervention locale pour les territoires.

L’homogénéisation des politiques suppose l’adoption de plans uniques sur l’ensemble de la Métropole du Grand Paris : plan local d’urbanisme, programme local de l’habitat, plan climat, plan pour l’insertion et l’emploi, etc. En parallèle, la déconcentration dans la mise en œuvre des politiques permettrait de conserver la proximité comme contrepartie à la création d’une structure de décision plus intégrée. L’ancrage local des politiques métropolitaines serait affermi par le principe de codécision dans de nombreux domaines, à l’instar du conseil de Paris et de ses arrondissements. Le principe de la double majorité qualifiée permettrait de respecter les territoires, sans pour autant que le blocage de projets structurants perdure. On peut ainsi imaginer que les décisions concernant un territoire ne puissent être prises qu’à la majorité de 60 % du Conseil métropolitain et que, inversement, un territoire ne puisse s’opposer à une décision du Conseil métropolitain qu’à la même majorité de 60 %. Cela obligerait à rechercher les consensus pour débloquer certaines situations.

Deuxième institution : la Conférence des communes

Pour que les collectivités territoriales restent des acteurs importants, une Conférence des communes viendrait compléter le Conseil de la Métropole du Grand Paris. Sa composition serait inspirée de celle de l’actuel syndicat Paris Métropole sur la base d’une commune, une voix. Sa fonction première serait de cultiver simultanément la diversité des territoires et leur complémentarité (études, débats, etc.).

Troisième institution : le Conseil du développement durable

Le Conseil du développement durable serait composé de représentants des diverses composantes de la société : monde de l’entreprise, monde de l’éducation, mais aussi salariés, ONG, etc. Il permettrait de proposer et de vérifier les actions nécessaires à une réelle transformation écologique du territoire.

Les relations de ces trois institutions de la Métropole du Grand Paris aux institutions existantes seront nécessairement refondées. Devant les difficultés de coordination des différents syndicats qui agissent sur le territoire du Grand Paris, ces derniers verraient leurs compétences transférées à la Métropole du Grand Paris, qui déciderait des modalités de mise en œuvre des politiques correspondantes. Les compétences régionales resteraient à ce niveau et la région garderait la responsabilité de l’élaboration et de l’adoption du schéma directeur de la région (SDRIF), du plan climat énergie territorial, du plan régional sur la qualité de l’air, du plan régional d’élimination des déchets, du plan de déplacements urbains d’Île-de-France, etc.

Le rôle de péréquation entre les territoires que l’État garantit, via les dotations et contrats auxquels il est associé, devra être maintenu, sans pour autant l’autoriser à s’imposer dans les choix locaux. Les relations entre l’État et les collectivités redeviendraient ce qu’elles n’auraient jamais dû cesser d’être : dans le cadre des contrats de projet entre l’État et la région, cette dernière pourrait adopter des contrats particuliers avec des territoires spécifiques associant les trois parties prenantes – locale, régionale, nationale. Fini les OIN (opérations d’intérêt national) et CDT (contrats de développement territorial) imposés. Bienvenue à la concertation et à la coordination.

La mise en place d’une telle organisation appelle une discussion approfondie. Nous proposons, donc, de lancer un grand débat citoyen sur la question métropolitaine qui débouche sur la publication d’un livre vert. Le processus serait poursuivi sous forme d’un projet de loi qui fera l’objet d’un référendum local pour avoir une réelle légitimité.

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Pour citer cet article :

Yves Contassot & Claire Monod, « Pour une démocratie efficace et écologique : la Métropole du Grand Paris », Métropolitiques, 17 février 2012. URL : https://metropolitiques.eu/Pour-une-democratie-efficace-et.html

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