On ne saurait oublier que l’ambition Grand Paris a commencé au niveau de l’État par la volonté d’imposer une gouvernance recentralisée. Cela est sous-tendu par deux principes : d’une part, on ne saurait être bien gouverné que par une tête unique ; d’autre part, au nom de la compétitivité, on ne remet pas en question la poursuite d’un développement monocentrique de la métropole capitale.
De mon point de vue d’élu territorial de périphérie, ces deux principes sont contestables. On sait comment le développement monocentrique n’a fait qu’accroître les inégalités qui minent la région capitale, renforcent le sentiment d’injustice de milliers d’habitants, et sont un handicap pour son attractivité. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui partagent la certitude que, si ce n’est pas une condition suffisante, le caractère polycentrique ou multipolaire du développement de la métropole est indispensable pour inverser une logique qui met en péril la région parisienne.
Le citoyen métropolitain existe... en banlieue
Le citoyen métropolitain dont on cherche la trace existe d’ores et déjà. En banlieue, on habite dans une ville, on travaille dans une autre, on va régulièrement faire ses achats dans une troisième, on se cultive dans une quatrième (qui est peut être la première !)... Bref on y pratique au quotidien la métropole en sa diversité de pôles de vie et d’activités. Quand tout va bien… Car les dysfonctionnements arrivent dès que le réseau et les échanges se bloquent : enclavement, difficulté d’accès à l’emploi, ressources insuffisantes pour accéder aux services divers, éloignement des centres de décision. On sait ainsi comment ce citoyen paie depuis des décennies des décisions autoritaires d’aménagement au nom d’un intérêt général jamais discuté. Qu’entend-on alors par intérêt métropolitain ?
À métropole différente, gouvernance différente
L’Île-de-France a été mise de côté par le législateur de la réforme des collectivités. Les raisons en sont préoccupantes s’il s’agit d’imposer une organisation contestée par les collectivités. Mais cela nous laisse au moins l’opportunité de contre-proposer et d’innover.
Oui, il y a urgence à aborder la question de la gouvernance au niveau de Paris Métropole. La loi Chevènement a laissé une très grande liberté aux collectivités quant à leur mode de rassemblement en communautés d’agglomération, y compris sur les règles de constitution de leurs conseils. Elle a suscité une implication massive des collectivités dans le mouvement de coopération intercommunale. Chaque communauté d’agglomération a pu fixer son mode de gouvernance, en accord avec ses principes territoriaux, ses rapports de centralité, les problématiques sociales particulières. Celle que je préside, Plaine Commune, s’est constituée avec une gouvernance partagée et coopérative, sur le principe d’égalité. Nous avons su inventer les uns et les autres des instances diverses, multiformes, comme les conférences territoriales ou interterritoriales.
Paris Métropole est elle-même une de ces instances profondément nouvelles dans son fonctionnement. Nous y faisons l’expérience quotidienne que la libre expression des collectivités n’est pas synonyme de balkanisation. Nous y regardons la métropole depuis des centralités diverses, y compris périphériques, ce qui ouvre à des réponses et des projets-initiatives producteurs d’un mode de développement plus collectif et partagé. C’est le lieu où les collectivités travaillent ensemble, à partir des territoires, désormais dans la représentation de la diversité des courants politiques.
La véritable nouveauté qu’apporte à mes yeux Paris Métropole, c’est ce travail collectif, fondé sur l’échange respectueux, sur le fond (les principes de développement solidaire, de multipolarité, de rupture avec la spirale des inégalités sont inscrits dans nos statuts). Chacun et chaque territoire a pleinement et à égalité sa place [1]. C’est bien le lieu des collectivités territoriales dans le débat et la construction d’une métropole parisienne à partir du local, de la vie, de ses réalités sur l’ensemble du périmètre métropolitain et de ses habitants, et non à partir d’une seule réalité extra-territoriale, en vérité virtuelle.
Construire et partager la métropole : un processus
Le chemin que nous y avons parcouru est loin d’être anodin. Il est garant de notre capacité à aborder la gouvernance avec une ambition novatrice et démocratique. Jusqu’à présent, à Paris Métropole, le croisement des points de vue a été source d’idées neuves et non simplificatrices. L’avis de Paris Métropole sur les projets Réseau de transport public du Grand Paris et Arc Express, adopté le 10 décembre, a su échapper à la fois au consensus mou et à la collection de revendications locales. Il en va de même du travail mené sur la Défense. Nous avançons en marchant, non sans objectifs, ni sans principes, mais sans chercher à enfermer trop vite les méthodes dans l’institution.
La gouvernance est un sujet sensible et une question rarement posée de manière ouverte. Y réfléchir n’est pas un exercice neutre : cela touche à la démocratie, mais aussi aux dominations. Si cela porte sur la volonté partagée de construire, alors Paris Métropole a une longueur d’avance et doit oser se revendiquer de sa manière de travailler.
Il est souhaitable d’aborder cette question comme un processus, de l’approfondir en avançant dans notre travail commun et de déboucher sur des propositions solides à partir de notre expérience vivante, favorisant des dynamiques nouvelles, exprimant les potentialités de tous les territoires de la métropole. C’est cela qui fait métropole autrement, au service des hommes et des femmes qui font la vraie richesse de notre territoire.