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Essais

La rénovation urbaine aux États-Unis : une politique néolibérale ?

En autorisant les démolitions et les expulsions dans des quartiers populaires bien situés, la rénovation urbaine est parfois décrite comme une politique néolibérale, favorable aux investisseurs fonciers et immobiliers. Fondée sur le traumatisme des politiques urbaines de l’après-guerre, cette lecture s’avère pourtant insuffisante pour comprendre la rénovation urbaine contemporaine aux États-Unis.

Dossier : Rénovation urbaine. L’espace comme remède à la question sociale ?

La politique d’urban renewal menée aux États-Unis dans les années 1950 et 1960 avait symbolisé la collusion des élites urbaines et économiques locales au sein de « coalitions de croissance » (growth coalitions) engagées dans des opérations de contrôle et de rentabilisation de l’espace (Logan et Molotch 1987). Les municipalités avaient fait un usage immodéré de leur pouvoir d’expropriation (eminent domain), conduisant à l’expulsion d’un million de personnes, majoritairement afro-américaines, souvent relogées dans des ensembles de logements sociaux (appelés « projects ») confinés dans les quartiers les plus ségrégués des villes. Les terrains ainsi « libérés » étaient bradés à des investisseurs privés ou à des institutions publiques (universités, hôpitaux, etc.) en quête de foncier disponible dans ou à proximité des centres d’affaires.

Avec le lancement du programme fédéral HOPE VI (Housing Opportunities for People Everywhere), un nouveau cycle de rénovation urbaine s’est ouvert au début des années 1990 pour s’achever à la fin des années 2000. Il ne s’agissait plus d’éliminer l’habitat ancien dégradé (blight), défini de façon extensive dans la politique d’urban renewal, mais d’engager une mutation fondamentale du public housing, l’un des programmes de logements aidés placé sous la responsabilité du département du Logement et du Développement urbain des États-Unis (US Department of Housing and Urban Development, ou HUD) et géré localement par des public housing authorities.

Par une sorte d’ironie de l’histoire, HOPE VI a cherché à effacer les signes les plus visibles de l’architecture moderniste des barres et tours édifiées pour reloger les victimes de la première rénovation urbaine [1], en les remplaçant par des maisons individuelles destinées à recréer l’atmosphère des villages urbains [2] que l’urban renewal avait précisément détruits quelques décennies plus tôt. Mais tandis que la rénovation urbaine d’après-guerre cherchait à enrayer le déclin économique des centres urbains et la fuite des classes moyennes blanches vers les banlieues résidentielles, HOPE VI est intervenu dans un contexte de croissance économique et démographique bénéficiant aux villes-centres.

La sociologie urbaine critique a vu dans ce programme un outil destiné à accompagner les dynamiques de gentrification amorcées à partir des années 1970 dans une partie des centres urbains (voir, par exemple : Wyly et Hammel 1999 ; Newman et Ashton 2004 ; Hackworth 2007). HOPE VI aurait été une pièce maîtresse de la stratégie d’attractivité des « villes entrepreneuriales », facilitant le développement d’une offre immobilière dédiée aux catégories sociales moyennes ou supérieures qui, dans la lutte pour le contrôle de l’espace, contraindraient les minorités pauvres à s’exiler toujours davantage vers les périphéries urbaines. En faisant la promotion active des partenariats locaux publics–privés, l’État fédéral aurait permis d’enclencher une dynamique d’investissement dans des quartiers d’habitat social jusque-là délaissés par le secteur marchand, en dépit de leur localisation centrale, la mise de fonds initiale du secteur public se trouvant démultipliée par des capitaux privés prêts à s’employer grâce à la globalisation des marchés financiers [3].

Une telle lecture a été fortement relativisée dans le contexte des villes européennes et françaises. Les politiques urbaines contemporaines héritent de la spécificité des contextes nationaux, ainsi que d’histoires, de rapports sociaux et de modes de régulation propres à chaque ville, débouchant sur des traductions contrastées du modèle de la ville entrepreneuriale. Ainsi les stratégies urbaines en matière d’habitat ne sont-elles pas seulement tournées vers un objectif d’attractivité résidentielle encourageant la gentrification des espaces populaires, mais visent aussi à maintenir en place les habitants originels ou à créer les conditions d’une mixité sociale (Le Galès 2003 ; Morel Journel et Sala Pala 2011). Cette relativisation vaut aussi, quoique dans une mesure moindre, aux États-Unis, pourtant souvent présentés comme le cheval de Troie d’une néolibéralisation des politiques urbaines [4]. L’analyse de la rénovation urbaine contemporaine doit, là aussi, prendre en compte la diversité des stratégies locales et des coalitions d’acteurs qui les portent. Cette lecture mérite également d’être actualisée au vu des inflexions qu’a connues la politique fédérale sous la présidence Obama.

« En finir avec le logement social tel qu’on le connaît »

Bien que le logement social n’ait pas connu aux États-Unis le même développement que dans certains pays d’Europe, HOPE VI a participé d’une entreprise de délégitimation des arrangements institutionnels caractéristiques du New Deal et de la période d’après-guerre (Goetz 2013). Si la politique d’urban renewal de l’ère keynésienne était déjà largement inféodée aux intérêts du business, ces arrangements autorisaient l’intervention directe du gouvernement dans la production du public housing associée à la politique de rénovation urbaine. Mais le manque chronique de ressources publiques consacrées à sa gestion et son entretien a rapidement dégradé les conditions de vie et l’image de ce parc d’habitations, finissant par justifier son démantèlement.

Au lancement du programme HOPE VI, ce parc comptait environ 1,3 million de logements. En 2010, alors que se terminaient les dernières opérations, près de 100 000 de ces logements avaient été démolis, la moitié à peine de ce stock étant reconstitué. Les projets de rénovation devaient tendre vers une norme de diversité combinant trois catégories de logements : le public housing ; des logements financés par un dispositif appelé Low-Income Housing Tax Credit, destinés à des ménages modestes, mais pas aux plus pauvres ; des logements locatifs ou en accession purement privés (market-rate units). Au cours de cette même période, 150 000 logements supplémentaires ont été soustraits au public housing dans le cadre d’une procédure parallèle, appelée Demolition/Disposition, autorisant la démolition « sèche » (sans reconstruction) de bâtiments jugés obsolètes d’un point de vue technique ou fonctionnel, ou bien leur vente au secteur privé.

Dans un discours prononcé en janvier 1995 devant la principale association de promoteurs immobiliers privés, Bill Clinton adaptait une formule qui avait fait mouche durant sa campagne présidentielle de 1992 – « en finir avec l’État social tel qu’on le connaît » – en proposant désormais d’« en finir avec le logement social tel qu’on le connaît » (« ending public housing as we know it »). Telle était la mission impartie au programme HOPE VI. Au-delà de la mutation physique du public housing, l’objectif était de casser des dynamiques sociales que l’administration Clinton s’employait à décrire comme nocives. Le contexte académique était porteur, avec la publication de nombreux travaux qui, dans le sillage de William Julius Wilson (1987), décrivaient les « pathologies sociales » associées à la concentration spatiale de la pauvreté urbaine. Ces travaux plaidaient plus ou moins explicitement pour une « déconcentration de la pauvreté », qui allait devenir le mot d’ordre de la rénovation urbaine.

À en juger par la très faible proportion (27 %) de ménages relogés sur place (Gress et al. 2016) [5], l’objectif de déconcentration a été mis en œuvre avec diligence. Il était au cœur d’une réforme plus globale du logement social dont HOPE VI était le prototype. Intervenue avec le Quality Housing and Work Responsibility Act de 1998, cette réforme se voulait le pendant de la réforme du welfare adoptée deux ans plus tôt [6]. Elle imposait une éthique du travail et de la responsabilité aux locataires sociaux, tout en facilitant leur expulsion au premier manquement, conformément au principe énoncé par Bill Clinton : « one strike and you’re out ». Dans un souci de contrôle accru des locataires et d’économie sur les deniers publics, la même loi autorisait le transfert de la gestion du public housing à des sociétés privées, ainsi que la conversion des logements sociaux démolis et non reconstruits en vouchers (des « bons » utilisables sur le marché privé du logement) – autant de dispositions expérimentées avec le programme HOPE VI.

Le ministre du Logement de Clinton, Henry Cisneros, voulait faire de ce programme le symbole de la capacité de son administration à « se réinventer », alors que les républicains, qui avaient obtenu une majorité écrasante au Congrès, menaçaient de supprimer purement et simplement son ministère. Cisneros prêta une grande attention aux initiatives locales et propositions d’un promoteur privé (McCormack Baron Salazar) spécialisé dans la production de quartiers mixtes. Au début des années 1990, ce promoteur et l’agence du logement social d’Atlanta avaient conjointement mis au point un modèle « mixed-finance, mixed-income » de rénovation du public housing, reposant sur l’hybridation des catégories de logements et des sources de financements (publiques, privées et du tiers secteur non lucratif). Ce modèle allait être rapidement généralisé : en lieu et place des bureaucraties du public housing héritées de l’État keynésien [7], sa rénovation et sa gestion étaient désormais confiées à un faisceau d’intervenants publics, privés et non-profit.

La rénovation urbaine a ainsi servi de laboratoire à une transformation du public housing, dont les modes opératoires (privatisation partielle) et l’idéologie sous-jacente (éthique du travail et de la responsabilité) paraissent soutenir la thèse d’un cadrage néolibéral de la politique fédérale. Mais l’application locale du nouveau paradigme dessine des tendances nettement moins homogènes. Le modèle le plus pur de la néolibéralisation des politiques urbaines est sans doute à trouver dans des villes globales, ou du moins attractives pour les capitaux internationaux, comme Chicago, Atlanta ou Washington, DC. Ces villes ont délibérément ciblé leurs projets HOPE VI sur des secteurs urbains à fort potentiel de valorisation, dont le développement pouvait être contrarié par la présence du public housing et de ses habitants. Mais HOPE VI a aussi été mis en œuvre dans de nombreuses villes de taille modeste, éloignées de l’archétype de la ville globale, ainsi que dans des villes – moyennes ou grandes – dont le marché du logement était atone. De fait, aucun logement privé n’a été programmé dans près de la moitié des 260 sites HOPE VI (Gress et al. 2016). Si, dans son acception la plus rudimentaire, la néolibéralisation des politiques publiques vise l’extension des principes du marché, celle-ci n’est pas flagrante ou en tout cas pas homogène dans la mise en œuvre locale de ce programme.

On relève aussi que des villes globales parmi les plus emblématiques ont eu un usage très limité de la rénovation urbaine et/ou ont atténué ses effets en termes de gentrification. À la suite d’une mobilisation de locataires dans les années 1990, New York City n’a quasiment pas démoli de logements sociaux, alors que cette ville abrite le parc le plus important du pays. Conçus en liaison étroite avec les associations de locataires et organisations de quartier, les projets HOPE VI de Boston ont contribué à stabiliser les habitants en place. La ville de San Francisco a lancé son propre programme, « Hope SF », visant à préserver l’intégralité du stock de logements sociaux afin de permettre à l’ensemble des locataires de rester dans leur quartier, tout en leur donnant accès à une gamme étendue de services.

Comme l’avancent eux-mêmes les théoriciens de la néolibéralisation urbaine (Brenner et Theodore 2002), les héritages historiques et les configurations institutionnelles locales façonnent diversement les projets urbains des villes [8]. Des organisations favorables au logement social ont ainsi pu trouver leur place dans les coalitions d’acteurs locaux ou contester plus frontalement, notamment sur le terrain judiciaire, l’orientation pro-marché de la rénovation urbaine, même si c’est avec des succès inégaux (Hackworth 2005). On note aussi que les parlementaires et organisations de locataires les plus critiques à l’égard du programme HOPE VI au niveau national l’ont néanmoins défendu face à l’administration Bush qui cherchait à l’éliminer, tout en proposant de le réformer.

« Choice Neighborhoods » sous Obama : un compromis entre deux coalitions informelles

C’est à cette réforme que s’est attelée l’administration Obama dès l’élection du nouveau président en novembre 2008. L’un des premiers actes de la nouvelle administration en matière de politique urbaine a été de substituer la Choice Neighborhoods Initiative à HOPE VI. Mais dans un contexte marqué par la crise financière et par des relations chaotiques avec le Congrès, seulement une vingtaine de projets ont été financés dans le cadre du nouveau programme, dont la survie est incertaine sous la présidence Trump [9].

Choice Neighborhoods est le fruit d’une longue phase de concertation engagée par la nouvelle équipe présidentielle avec de multiples parties prenantes. Deux coalitions informelles sont identifiables, qui ne faisaient pas du tout le même bilan du programme HOPE VI. La première consistait en une nébuleuse d’acteurs nationaux et locaux (fonctionnaires fédéraux, experts urbains, maires, agences locales du logement social, promoteurs privés et non-profit, architectes, etc.) qui n’avaient de cesse de vanter les « succès » de HOPE VI, en mettant en avant la spectaculaire amélioration des conditions de logement, la diversification sociale du peuplement, la redynamisation de l’environnement des quartiers, ou encore les méthodes innovantes de financement et de gestion du logement social. L’autre coalition, composée de quelques parlementaires au Congrès, d’associations de défense du logement social et des locataires, de juristes et d’une partie des chercheurs, y voyait surtout une machine à chasser les minorités pauvres, à l’instar de la politique d’urban renewal de sinistre mémoire. Le profil « centriste » de l’équipe d’Obama, où officiaient certains acteurs clés du programme HOPE VI, l’éloignait de cette seconde coalition. Mais les critiques envers HOPE VI étaient devenues si intenses avant l’élection d’Obama qu’il aurait été politiquement délicat de les ignorer, d’autant qu’elles avait fini par trouver une caisse de résonance au Congrès, alors dominé par les démocrates.

Sans retenir l’ensemble des propositions des acteurs de la « coalition critique », Choice Neighborhoods va incorporer deux changements essentiels par rapport à HOPE VI, tendant à préserver le public housing et à protéger ses locataires. Tout d’abord, la règle du « un pour un » (un logement social reconstruit pour un logement social démoli) a été rétablie et assortie d’exigences sur la reconstitution d’une offre effectivement accessible aux bas revenus, la transformation des logements démolis en vouchers ne devenant possible que lorsque le marché local de l’habitat est très détendu et/ou que l’offre abordable est déjà très abondante. L’autre inflexion majeure concerne les relogements. En posant le principe du « droit au retour » (right to return) des habitants dans leur quartier d’origine, Choice Neighborhoods a satisfait une vieille revendication liée à l’expérience traumatisante de la politique d’urban renewal [10].

Choice Neighborhoods a donc corrigé les aspects les plus controversés de HOPE VI. Mais, selon une rhétorique insistante de l’administration Obama, le nouveau programme capitalisait aussi sur les « succès » du précédent programme. Cherchant à satisfaire la coalition « pro‑HOPE VI », les responsables fédéraux ont souligné la continuité des deux programmes en mettant en exergue des « bonnes pratiques » locales, notamment celles qui avaient impliqué le promoteur privé McCormack Baron Salazar à Atlanta (Centennial Place) ou à Saint-Louis (Murphy Park). Mais, plus important que leur statut public, privé ou non-profit, l’enjeu pour l’administration Obama était de sélectionner des porteurs de projet capables de déployer une approche « intégrée » ou « holistique » de la rénovation urbaine. Celle-ci repose sur deux hypothèses centrales : le traitement d’un ensemble de problèmes interconnectés nécessite la coordination d’interventions de nature physico-urbaine et socio-économique ; et cette mise en synergie produit un impact supérieur à la somme de ces interventions. Pour produire cet impact, il s’agit de « construire la communauté » (community building) en appui sur une « organisation pivot » capable d’agencer le travail d’une multitude d’acteurs locaux, publics, privés et associatifs [11].

Loin d’une perspective de distribution égalitaire des ressources, Choice Neighborhoods a délibérément ciblé des quartiers ayant un potentiel important de redéveloppement. On y trouve, comme dans HOPE VI, des justifications de la rénovation urbaine typiques de l’ère néolibérale, formulées en termes de valorisation des atouts territoriaux, de développement du capital humain ou d’investissements publics permettant d’économiser sur des dépenses futures. La justice sociale n’était pas absente du discours de l’administration Obama, mais rabattue sur le traitement des « effets de quartier » ; le mantra du HUD sous Obama était que « l’adresse d’un enfant ne devrait jamais déterminer ses chances » (a ZIP code should not determine a child’s future).

On relève, néanmoins, une inflexion du discours fédéral sur la « pauvreté concentrée », privilégiant l’explication des problèmes sociaux dans les quartiers d’habitat social par le dysfonctionnement des institutions locales plutôt que par les comportements déviants des habitants ou l’absence de « familles qui travaillent », comme à l’époque de HOPE VI. Si l’objectif de déconcentration de la pauvreté a été conservé, Choice Neighborhoods ne vise, d’ailleurs, pas à disperser les habitants, mais à leur donner le choix de rester ou de partir. Le choix, thème de prédilection de la rhétorique néolibérale, a trouvé un terrain d’application dans les politiques du logement (Cowan et Marsh 2005). L’intitulé même du programme Choice Neighborhoods signalait une ambivalence : transformer un quartier repoussoir en « quartier de choix » pour lui faire grimper quelques marches dans l’échelle du prestige et y attirer des investissements et de nouveaux habitants, ou bien le rendre attractif pour ceux qui y résident d’ores et déjà, afin que le quartier devienne choisi et non plus subi.

Mes enquêtes sur deux projets Choice Neighborhoods dans les quartiers de Dorchester à Boston et de Woodlawn à Chicago montrent comment des compromis locaux ont pu s’établir entre des coalitions privilégiant l’attractivité externe des quartiers et d’autres privilégiant leur attractivité interne (c’est-à-dire pour les habitants en place) (Kirszbaum 2013). Ces compromis reposent sur une logique de peuplement conçue comme une « déconcentration de proximité ». Celle-ci consiste à réduire la densité des logements sociaux sur les sites d’origine pour l’accroître aux alentours, en y reconstituant une partie de l’offre sociale. Cela permet la stabilisation des habitants originels, lesquels peuvent profiter des améliorations du quartier dans la logique du développement communautaire, sans toutefois compromettre l’objectif d’attraction à terme de populations nouvelles, si les conditions du marché le permettent.

En cherchant à concilier l’objectif de mixité avec les droits protecteurs introduits par la réglementation nationale, le compromis local supposait d’amener les groupes d’intérêt privilégiant le développement territorial et ceux privilégiant l’équité envers les habitants originels à s’entendre sur un agenda commun. Là aussi, c’est la méthodologie du développement communautaire qui prévaut. Elle consiste à amener autour de la table l’ensemble des parties prenantes pour qu’elles explicitent leurs agendas respectifs, à procéduraliser le débat sur le projet afin que les habitants les plus marginalisés puissent faire entendre leur voix avec l’aide de community organizers [12], le tout visant à faire émerger une vision partagée du bien commun local. À Chicago et Boston, les projets de rénovation urbaine ont ainsi été ajustés pour coller au plus près des préoccupations exprimées par les locataires sociaux et activistes ou juristes engagés à leurs côtés, par les propriétaires immobiliers soucieux de rentabiliser leur bien, et par les institutions extérieures qui investissent leurs ressources dans ces quartiers.

Au niveau fédéral comme à l’échelon local, Choice Neighborhoods dessine bien une voie de compromis entre un cadrage de la rénovation urbaine qui continue de puiser dans un répertoire d’inspiration néolibérale centré sur l’attractivité territoriale, et la prise en compte de l’intérêt des habitants originels, lesquels peuvent bénéficier de normes protectrices et de garanties procédurales inédites au regard de l’histoire controversée de la rénovation urbaine aux États-Unis.

Bibliographie

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Pour citer cet article :

Thomas Kirszbaum, « La rénovation urbaine aux États-Unis : une politique néolibérale ? », Métropolitiques, 26 mars 2018. URL : https://metropolitiques.eu/La-renovation-urbaine-aux-Etats-Unis-une-politique-neoliberale.html

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