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Contrôler l’étalement des villes australiennes

Les limites d’un urbanisme densificateur
Confrontés à l’urgence climatique, les pouvoirs publics des villes australiennes ont mis en place depuis une vingtaine d’années des solutions génériques pour lutter contre l’étalement urbain à l’échelle métropolitaine. Planning Metropolitan Australia propose une évaluation critique comparée de la mise en œuvre de ces politiques dans différentes aires urbaines.
Recensé : Stephen Hamnett et Robert Freestone (dir.), Planning Metropolitan Australia, Abingdon-on-Thames/New York, Routledge, 2017, 232 p.

Planning Metropolitan Australia est le résultat des efforts de Stephen Hamnett et Robert Freestone pour décrire en détail la manière dont les stratégies urbaines se sont développées en Australie au cours des deux dernières décennies. À la suite de leur précédent ouvrage (The Australian Metropolis : A Planning History), qui décrivait l’histoire des aires métropolitaines australiennes au cours du XXe siècle, les deux auteurs ont organisé une série de conférences bisannuelles sur l’état des villes australiennes. Planning Metropolitan Australia se nourrit de ces conférences pour offrir aux lecteurs une analyse contemporaine des phénomènes auxquels ces métropoles doivent faire face depuis le commencement du XXIe siècle, et des façons dont elles y répondent.

En dehors du premier et du dernier chapitre (respectivement introduction et conclusion), le livre traite successivement des cinq principales aires métropolitaines en Australie : Melbourne, Sydney, Adélaïde, Perth et la région de South-East Queensland, puis de la capitale, Canberra. Pour chaque ville, les auteurs décrivent les changements démographiques des deux dernières décennies, puis les enjeux sociaux, économiques et environnementaux. Les auteurs passent ensuite en revue les stratégies élaborées et mises en œuvre par les autorités locales et agences d’urbanisme.

Des dispositifs sans prise sur les enjeux environnementaux

Bien que chaque chapitre se concentre sur une aire métropolitaine différente et est écrit par des chercheurs et experts en urbanisme différents (une femme et douze hommes), pris ensemble ils montrent de nombreuses similarités et l’existence de phénomènes structurels communs. Toutes les aires urbaines dont il est question voient leur population augmenter au-delà des prédictions et doivent faire face à un étalement urbain spectaculaire, dans un pays qui est particulièrement exposé à la menace du réchauffement climatique et à de fortes disparités sociales. La culture australienne, qui privilégie un usage poussé de l’automobile et les maisons individuelles avec jardin, rend difficiles les adaptations de la forme urbaine vers un modèle plus compact. De plus, la tendance néolibérale actuelle à l’œuvre dans les politiques publiques remet en question les fonctions traditionnelles des autorités locales dans toutes les métropoles étudiées.

L’analyse des stratégies mises en œuvre par chacune d’elles montre que des choix similaires y ont été effectués afin de contrôler l’étalement urbain et limiter le développement à l’extérieur des aires actuellement habitées (greenfield development). Ces stratégies sont diverses : la plupart des métropoles ont désigné une frontière au-delà de laquelle de nouveaux projets de construction sont découragés (urban growth boundary), ont défini des centres d’activité existants auxquels priorité est donnée pour la localisation de logements à venir, ou ont privilégié le développement autour des axes et hubs de transport (transit oriented development). Un autre modèle est celui de la ville de Melbourne, qui, à travers le concept de « quartiers 20 minutes » (20-minute neighbourhoods), préconise l’accessibilité de toutes les activités nécessaires aux résidents par un trajet à pied ou à vélo de moins de 20 minutes.

Cependant, les auteurs ne se contentent pas de présenter ces stratégies et leurs objectifs ; ils montrent aussi, au fil des chapitres, les échecs successifs de leur mise en œuvre. Les différents niveaux de prise de décision sont insuffisamment intégrés, les stratégies changent au gré des élections locales et restent souvent de simples recommandations, et les acteurs urbains doivent rarement rendre des comptes. Enfin, l’industrie immobilière résiste à ces tentatives de restreindre géographiquement son activité. Même la région de South-East Queensland, dont les plans métropolitains sont considérés comme exemplaires en Australie, a été critiquée pour ne pas avoir suffisamment mis en pratique ces stratégies. Lorsqu’ils s’intéressent aux résultats des politiques urbaines, les auteurs montrent que celles-ci n’ont eu qu’une influence mineure sur la manière dont les nouveaux logements et nouvelles activités sont localisés, sur le rythme de l’étalement urbain ou sur le type de logements nouvellement construits.

Des solutions génériques qui ne prennent pas en compte les enjeux des territoires

Dans l’ensemble, l’ouvrage atteint son objectif de fournir aux lecteurs et lectrices une image des métropoles australiennes en 2018. Il constitue une contribution centrale à la littérature australienne et globale en études urbaines. L’histoire qui est racontée au fil des chapitres est celle de problèmes urgents et de réponses insuffisantes, comme l’affirment les auteurs eux-mêmes : « Cet ouvrage présente une série d’évaluations lucides de la situation métropolitaine australienne qui contraste avec l’exubérance de la majorité des commentaires des urbanistes au niveau mondial » (p. 196).

Les spécificités de chaque ville fournissent d’intéressants points de vue sur les processus urbains en cours en Australie. Par exemple, l’échelle et la vitesse impressionnantes de la croissance de Melbourne et Sydney mettent en évidence les problèmes liés aux coûts du logement et les inégalités urbaines dans ces métropoles. L’évolution du système d’urbanisme à Perth – qui était à l’origine extrêmement centralisé et prescriptif – vers une forme de prise de décision largement orientée vers le marché, illustre l’influence lourde du néolibéralisme en urbanisme, qui touche aussi les autres aires urbaines. Un autre exemple est fourni par la capitale Canberra, où le gouvernement australien, qui y est un acteur urbain majeur, a décidé de ne plus contrôler où se situaient ses bureaux et agences. Beaucoup de ces bureaux ont alors déménagé vers le centre-ville, ce qui a remis en question l’objectif de Canberra de maintenir une morphologie polycentrique équilibrée. C’est là un exemple flagrant de la manière dont l’étalement urbain et les forces du marché remettent en cause les plans d’urbanisme des métropoles australiennes, alors que Canberra, conçue comme une cité-jardin exemplaire, avait ce polycentrisme historiquement incorporé dans sa fabrique urbaine

Cependant, il faut remarquer que Planning Metropolitan Australia ne met pas assez en avant ces spécificités. Au contraire, chaque chapitre décrit en détail les processus communs à toutes les aires métropolitaines sans que ceux-ci soient intégrés entre eux. Par conséquent, la lecture du livre laisse l’impression générale d’une certaine redondance, jusqu’à sa dernière partie, dans laquelle les auteurs parviennent à la synthèse globale attendue. Cette analyse arrive tard, par rapport à l’importance des concepts abordés pour l’urbanisme australien ; mais elle fournit une conclusion subtile et une discussion stimulante en mettant en perspective les concepts d’équité sociale, de diversité urbaine, les menaces environnementales et le concept de ville compacte dans le contexte australien.

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Pour citer cet article :

Margot Abord de Chatillon, « Contrôler l’étalement des villes australiennes. Les limites d’un urbanisme densificateur », Métropolitiques, 18 avril 2019. URL : https://metropolitiques.eu/Controler-l-etalement-des-villes-australiennes.html

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