L’objectif de l’exposition L’Eau ne tombe plus du ciel [1] est de mettre en avant les techniques d’accès aux ressources en eau. Très présents dans le paysage, les objets techniques sont repérables à leurs formes souvent imposantes. Ils sont néanmoins rarement considérés à la hauteur de leur importance, tant l’attention se focalise habituellement sur leur finalité : acheminer de l’eau. Pourtant, lorsque l’on considère qu’elles sont le reflet d’une organisation sociale et politique (Aubriot 2004 ; Akrich 1987), ces techniques prennent une valeur bien plus grande. Leur contenu social, politique et culturel leur donne un autre statut que celui de simples médiateurs aphones entre l’homme et l’eau. Elles expriment des dynamiques sociales ainsi que les rapports entre les sociétés et leur environnement.
Dans plusieurs régions du monde, les techniques de pompage accompagnent, en même temps qu’elles soutiennent, le développement de modes d’agriculture intensifs (Kuper et al. 2016 ; Llamas et Martinez-Santos 2005 ; Shah et al. 2003). Elles sont variées et plus ou moins complexes, selon qu’elles visent à répondre à des contraintes d’accès aux eaux de surface ou à atteindre les eaux souterraines. Tantôt l’usage des eaux souterraines remplace progressivement celui des eaux de surface, tantôt la baisse du niveau des nappes impose l’utilisation de techniques toujours plus performantes pour trouver l’eau à des profondeurs de plus en plus importantes (Aubriot 2004). Dans d’autres cas enfin, on note l’usage conjoint des eaux de surface et des eaux souterraines (Hamamouche et al. 2017). Partant de ce constat, l’exposition photographique s’intéresse aux techniques qui permettent d’acheminer les eaux de surface vers la parcelle agricole ou de pomper les eaux souterraines à partir des puits et des forages. Elle vise également à représenter les techniques d’accès à l’eau que l’on retrouve dans les milieux urbain et périurbain pour l’approvisionnement en eau potable ou non potable.
Les techniques mettent en relation des entités différentes (Callon 1986) : un environnement naturel et une organisation sociale dans lesquels les usagers évoluent. Le concept de « médiation sociotechnique » (Akrich 1987, 1991) montre comment les objets techniques sont constitués en même temps qu’ils transforment les interactions sociales. À ce titre, l’exposition se focalise sur trois entrées principales : 1) l’exposition des objets techniques qui permettent le pompage des eaux d’irrigation ; 2) le dévoilement de la distribution des rapports de pouvoir autour de l’accès à l’eau ; 3) la mise au jour des inégalités socio-économiques.
L’exposition rassemble 36 photographies originales de chercheurs et d’étudiants de différentes disciplines en sciences sociales qui abordent, chacun avec une approche singulière, les questions soulevées ci-dessus. Nous proposons ici une sélection de 12 photographies illustrant les enjeux techniques, sociaux, politiques ou environnementaux de chaque sous-thème de l’exposition.
Objets de pompage et innovations techniques (photos 1 à 4)
Dans cette section, les photos mettent l’accent sur les modes d’exploitation des ressources en eaux de surface ou souterraines (comment on pompe), ou sur les adaptations des techniques face à la raréfaction des ressources en eau. Elles documentent l’évolution des techniques de pompage, leurs structures et leur fonctionnement (Sigaut 2010), en lien avec la gestion des pénuries ou la volonté d’accroître les volumes d’eau puisés. Cette section vise aussi à présenter les formes d’innovations techniques locales développées par les usagers. Nous envisageons ces objets comme des formes d’archives techniques des savoir-faire locaux anciens (Riaux 2013).
Est de Guidiguir, région de Zinder (Niger, 2008).
André Benamour (IAH-EGIS) – Prix du public.
Le puits pastoral est le plus souvent un ouvrage dédié à l’abreuvement du bétail. Réalisé le long des parcours de transhumance, il peut être profond de plusieurs dizaines de mètres. Le puisage, en fonction de la profondeur et des besoins, est effectué à la main ou par traction animale. Les débits peuvent alors être importants, jusqu’à 5 m³/heure sur des puits équipés de cinq poulies avec des poches en cuir, ou « délous », de 50 à 80 litres. Il n’est pas rare en pleine saison chaude de voir ces ouvrages fonctionner jour et nuit. Ils sont bien adaptés au milieu pastoral.
Sur le plan technique, cependant, le problème de l’ensablement des puits est une préoccupation majeure dans certaines régions du pays. Il n’est toujours pas résolu de manière simple. En zone pastorale, les besoins sont difficiles à identifier et à localiser, ils peuvent varier d’une année à l’autre en fonction de la pluviosité, donc de la disponibilité des pâturages. Les critères d’implantation des points d’eau pastoraux sont bien différents de ceux de la zone sédentaire.
Hô-Chi-Minh-Ville (Vietnam, 2016).
Émilie Cremin (post-doctorante, UNILIM).
« Oh qui tolérerait que l’eau polluée et malodorante dérive dans le village ». Cette phrase est inscrite sur le tableau placé par les autorités sur l’écluse d’un canal d’irrigation venant du lac de rétention de Dầu Tiếng, au sud du Vietnam. Et pourtant, le canal est aujourd’hui encombré de détritus. Une végétation colmate aussi l’écluse, ce qui montre que l’eau n’y a pas circulé depuis plusieurs mois. Ce canal visait à irriguer les terres de la province Tay Ninh à l’ouest de Hô-Chi-Minh, dans le bassin Đồng Nai-Sài Gòn (sud du Vietnam). Il fait partie d’un vaste ensemble hydraulique articulé autour du grand réservoir de Dầu Tiếng.
Construit au début des années 1980, le canal a été initialement conçu pour irriguer cinq provinces mitoyennes et alimenter en eau Hô-Chi-Minh-Ville, la mégapole du Sud. D’importants financements ont été mobilisés pour aménager ce système hydraulique. En 2003, le ministère vietnamien de l’Agriculture et du développement rural (MARD), l’Agence française de développement (AFD) et la Banque asiatique de développement (BAsD) se sont engagés à financer le projet Phước Hòa. Les deux canaux principaux de Tân Biên et Đức Hòa, acheminant l’eau d’irrigation jusqu’aux périmètres associés, respectivement dans les provinces de Tây Ninh (6 408 hectares) et de Long An (10 180 hectares), sont en service depuis 2011.
En janvier 2017, l’eau ne circule pas dans les canaux et s’évapore alors que nous sommes en pleine saison sèche. La pression de la demande en eau a changé les usages dominants depuis le début du projet. La demande destinée aux usages domestiques de la capitale régionale dépasse ceux des besoins en irrigation des cultures. Des choix de culture, comme celle de l’hévéa ou du manioc, demandent peu d’eau supplémentaire en surcroît des apports de la pluie ou des puits. Les canaux négligés tombent en désuétude et les détritus s’accumulent, jetés par des habitants qui ne voient peut-être plus leur avenir dans les villages.
Langar, vallée de la Wakhan (Tadjikistan, août 2015).
Elsa Parrot (ATER, UMR METIS).
Au bord de la Wakhan, des villages se sont établis il y a plusieurs centaines d’années sur les cônes de déjection d’affluents des montagnes du Pamir, afin de se protéger des crues. Dans cette région aride, à la frontière entre le Tadjikistan et l’Afghanistan, il a fallu faire preuve d’ingéniosité pour distribuer une eau disponible très localement à une plus large échelle, sans risquer l’inondation. L’installation des populations a été accompagnée par la construction d’un système ancestral de distribution d’eau, partant des affluents de montagnes et parcourant plusieurs dizaines de kilomètres pour alimenter les villages voisins dépourvus d’eau et irriguer chaque parcelle agricole. Ce système consiste en un canal principal creusé à flanc de montagne, consolidé par de la végétation et des pierres.
À partir de ce canal principal, des canaux secondaires dérivent perpendiculairement, dans le sens de la pente, afin d’alimenter les maisons et champs directement en aval. Le taux d’érosion étant conséquent dans ces régions sèches, faiblement végétalisées, où dominent des pentes fortes, l’entretien du système est réalisé une fois par an au printemps par tous les habitants des villages bénéficiaires. Ces techniques ont été laissées de côté sous la tutelle de l’Union soviétique, puis réhabilitées après sa chute. C’est un système visiblement pérenne.
Oasis de Figuig (Maroc, 2011).
Gwenaëlle Janty (docteure, UMR LADYSS).
Chaque foggara alimente une succession de canaux (les seguias), qui se divisent en formant un système hiérarchisé et ramifié de canaux de plus en plus étroits, desservant en bout de course chaque jardin de la palmeraie, par simple gravité. Le tracé des canaux est ainsi adapté à la topographie du terrain tout en intégrant une autre spécificité : la gestion de l’eau d’une seguia par un ksar, un lignage ou une famille, quel que soit l’éparpillement des jardins. Chaque groupe social a ainsi son propre réseau de seguias qui assure l’acheminement de ses parts d’eau vers ses jardins. Pour préserver cette gestion privée, il n’est pas rare de trouver de petits ponts qui permettent à deux tronçons du réseau de se croiser, sans mélanger leurs eaux. Ce système d’acheminement par gravité présente l’intérêt de ne pas nécessiter d’énergie pour transporter l’eau, ce qui est un élément important pour leur réhabilitation.
La technique comme révélateur d’organisation sociale (photos 5 à 8)
L’eau semble être au centre des actions et interventions, mais en réalité c’est la technique qui détermine quels types d’usagers ont accès à la ressource et à quelles conditions. Présenter les techniques, c’est aussi rendre compte des représentations que se font les acteurs des contextes naturel, social et politique dans lesquels ils se trouvent et des alliances qu’il leur faut contracter pour acquérir les moyens techniques d’approvisionnement en eau. L’accès aux outils de pompage peut constituer la base de dynamiques collectives (Aubriot et Riaux 2013), de chaînes d’acteurs qui organisent leurs interventions afin de fournir ces moyens techniques. Au-delà de la dimension utilitaire des outils de pompage, l’exposition insiste sur la capacité des techniques à mobiliser ce que nous présentons sous le concept de « collectifs hydrotechniques », c’est-à-dire des groupes dont l’existence repose sur la recherche de solutions techniques et pratiques pour répondre aux contraintes de pompage dans les cours d’eau de surface ou dans les aquifères souterrains. Les photos proposent dans cette section une réflexion sur la manière dont la technique a modifié l’organisation sociale dans les ménages (distribution des rôles selon les genres, place des enfants, etc.), au sein des quartiers ou toute autre unité socio-spatiale pertinente. Elles mettent aussi en exergue les groupes et réseaux d’acteurs constitués autour de la fourniture et de l’entretien des objets techniques.
Delta du Nil (Égypte, 2013).
François Molle (directeur de recherche, UMR G-EAU).
Cet ensemble d’une quarantaine de pompes individuelles (pump sump en anglais) est organisé autour d’une ancienne station de pompage collective construite à la période nassérienne, dont il ne reste que ce bassin en briques. Il est situé sur le canal Bosees, canal secondaire du canal Meet Yazid, à l’extrémité nord du delta central.
Chaque pompe élève l’eau du canal d’irrigation sur une hauteur d’environ deux mètres et la dirige vers l’un des cinq canaux tertiaires qui rayonnent à partir de ce bassin, irriguant ainsi une centaine d’hectares.
Pondichéry (Inde du Sud, août 2006).
Olivia Aubriot (chargée de recherche, CNRS-CEH).
Les moments de réparation des pompes submersibles sont des périodes privilégiées pour les spécialistes de forages et les propriétaires de pompe pour connaître exactement la profondeur de l’eau et son évolution. En effet, les pompes sont placées dans un tube fermé, et il n’y a pas moyen de connaître la profondeur exacte de l’eau (sauf à remonter plus ou moins la pompe pour voir si elle fonctionne et d’estimer ainsi la profondeur). Au moment de réparer la pompe, les différents tubes constituant le tuyau par lequel l’eau est extraite sont observés et la terre boueuse indique le niveau de l’eau. Les propriétaires qui en ont les moyens financiers installent un forage plus profond que le niveau de l’eau du moment l’exige, anticipant ainsi la baisse de la nappe. La profondeur d’un forage est souvent connue des voisins, surtout si elle est importante, car elle donne alors du prestige à son propriétaire. Elle n’est toutefois pas la mesure la plus décisive pour comprendre le fonctionnement de l’irrigation par eau souterraine : le niveau des pompes apporte une meilleure information sur le niveau de la profondeur de l’eau.
District de Kemalpaşa (Turquie, 2016).
Selin Le Visage (doctorante, UMR LAVUE).
Cette photographie montre un forage de la coopérative d’irrigation d’Armutlu, associé à un hydrocyclone – dispositif de force centrifuge séparant les débris les plus gros de l’eau – et à des filtres à disques, pour éviter que le matériel de goutte à goutte des irrigants ne se bouche.
Si l’eau souterraine est souvent perçue comme une ressource privative par les irrigants, la petite installation hydraulique de Kemalpaşa repose aussi sur une utilisation intensive des eaux souterraines. Mais elle présente la particularité d’une coordination autour de forages collectifs. Ceux-ci sont gérés par des coopératives d’irrigation à l’échelle des villages, très indépendantes dans leur gestion, avec des modalités de fonctionnement variées (cotisations, durée des mandats, prix de l’eau) révélant une diversité de stratégies économiques et sociales. Apparues dans le cadre institutionnel turc depuis plusieurs décennies, elles sont devenues essentielles pour la distribution de l’eau souterraine et la régulation de son accès à Kemalpaşa, d’autant plus qu’elles ont renforcé le tissu rural local en permettant à un plus grand nombre d’agriculteurs d’en profiter, ce qui leur évite d’investir dans des forages individuels. Plus ou moins performantes, celles qui ont réussi se sont adaptées dans le temps aux particularités de chaque village. Au-delà d’une simple recherche de performance, la coopérative apparaît comme une entité dynamique sur le territoire rural, capable de négocier avec les représentants de l’État, sur le plan local, mais aussi dans un contexte métropolitain à Izmir et dans la capitale, Ankara. Sur la photographie, on lit d’ailleurs les deux dernières lettres de « DSI », c’est-à-dire de la direction des services hydrauliques de l’État, qui a réalisé ce forage : il lui est plus facile de suivre quelques forages collectifs qu’une myriade de forages individuels, déclarés ou non, et éparpillés dans le paysage agricole.
Vallée de l’Airou, Manche (France, octobre 2006).
Marie-Anne Germaine (maître de conférences, UMR LAVUE).
Cette photographie a été prise dans la vallée de l’Airou (affluent de la Sienne), dans le département de la Manche en Normandie. La rivière s’écoule au sein d’un paysage de bocage marqué par l’élevage bovin. Sur la rive à gauche du cours d’eau sur l’image, on distingue (en jaune et noir) une discrète pompe à nez (ou pompe de prairie) installée en bordure de la parcelle agricole. Deux clôtures installées le long des deux berges empêchent les bovins d’accéder à la rivière.
La pompe à nez est un dispositif visant à empêcher la divagation du bétail dans le lit du cours d’eau, tout en maintenant un accès à un point d’abreuvement pour l’exploitant agricole. Il s’agit de protéger les berges et le lit du cours d’eau du piétinement qui provoque l’envasement, dégrade la qualité physico-chimique et bactériologique de l’eau via les déjections des animaux (risques sanitaires pour les troupeaux et les autres usages de l’eau) et érode les berges. La pompe à nez est une alternative à l’aménagement d’abreuvoirs. Les clôtures (ici en fil électrifié) complètent le dispositif en dissuadant les animaux d’accéder à la rivière. Les vaches actionnent la pompe qui est reliée au cours d’eau. Adapté pour 15 à 20 animaux, ce dispositif est économe pour l’éleveur qui n’a plus besoin de venir remplir la zone d’abreuvement et s’affranchit du réseau.
Inégalités techniques, sociales et spatiales (photos 9 à 12)
L’eau est souvent considérée comme « l’amie du puissant » (Bédoucha 1987), mais encore faut-il reconnaître les processus d’appropriation techniques qui permettent de construire et de consolider les rapports de force autour de cette ressource. La technique peut être le moteur de nouvelles inégalités socio-économiques entre les utilisateurs qui peuvent, ou non, supporter les coûts d’investissement pour l’installation des infrastructures de pompages. Les images illustrent comment la technique a contribué à créer ou à renforcer des inégalités entre usagers (petits/grands, riverains/non riverains, etc.).
Communauté du Quinim, État du Ceará (Brésil, novembre 2010).
Anne-Laure Collard (chargée de recherche, IRSTEA – UMR G-EAU).
Le foyer de cette femme n’est pas raccordé au système d’alimentation en eau de la communauté rurale du Quinim. Elle continue de puiser l’eau dans la rivière et de la transporter à dos d’âne. Quelques foyers comme le sien sont exclus du nouvel espace maillé par le réseau de canalisations. Trop précaires, l’État annonce qu’ils seront détruits sous peu. En raison de leur éloignement du château d’eau, le débit délivré ne sera pas suffisant. Les branchements illégaux n’existent pas. Les habitants marginalisés par le projet ne possèdent pas les ressources nécessaires pour infléchir le tracé des canalisations. L’inscription matérielle du système d’eau reflète donc l’hétérogénéité des communautés rurales. Elle traduit également l’action de ses usagers sur l’objet technique.
Syangboche, région du Solukhumbu (nord-est du Népal, juin 2016).
Ornella Puschiasis (post-doctorante, CNRS CEH).
J’ai rencontré le jeune Maïla à Syangboche, en chemin pour aller remplir le bidon de 40 litres qu’il portait sur le dos. Cherchant à savoir pour qui il effectuait ce dur labeur de portage, quelle ne fut pas ma surprise lorsqu’il m’a répondu : « Je pars en quête d’eau pour les yaks ! » Employé par la ferme gouvernementale d’élevage de yaks, il doit chaque jour aller chercher de l’eau à l’une des fontaines publiques des deux villages les plus proches, Khumjung ou Khunde. Rémunéré 200 roupies la course (soit à peine plus de 2 euros), il doit effectuer 150 mètres de dénivelé et environ une heure de marche pour acheminer la précieuse ressource qui servira à étancher la soif de la dizaine de yaks présents sur le site. En effet, le hameau se trouve éloigné de toute source d’approvisionnement en eau, malgré les sept familles qui y vivent et l’activité commerciale de son altiport, de ses deux lodges et de cette célèbre ferme. Il se situe sur un ancien glissement de terrain dont la structure géomorphologique limite l’accès à l’eau de surface. Le stockage s’avère alors indispensable et toutes les habitations disposent de systèmes de récupération des eaux de pluie ou de fonte sur les toits, et sont équipées de grosses citernes.
Malgré la difficulté de son travail de porteur d’eau, Maïla est heureux d’être nourri et logé et de vivre près des yaks. Il effectue en moyenne quatre trajets par jour pour répondre aux besoins journaliers des animaux qui boivent entre 40 et 60 litres d’eau, sans compter les besoins des employés gouvernementaux. Âgé de 13 ans et originaire du district de Nuwakot, Maïla a trouvé du travail dans la région touristique de l’Everest grâce à un cousin guide et peut ainsi soutenir sa famille, dont la maison a été détruite par le séisme dévastateur du 25 avril 2015.
Ségou (Mali, mars 2007).
Kévin de la Croix (post-doctorant, UMR LAVUE).
Le long du fleuve Niger, les jardins maraîchers et fruitiers de mieux en mieux équipés en matériel d’irrigation mécanisé se multiplient. Ces nouveaux investissements permettent d’augmenter − dans la limite du terrain disponible − la production ; de mieux contrôler l’apport en eau nécessaire pour les différentes cultures ; d’augmenter le nombre de récoltes et de diversifier et d’améliorer la qualité des productions. Si ces exploitations peuvent ainsi réduire leur main-d’œuvre et ne plus requérir que quelques adultes, elles sollicitent paradoxalement davantage la force de travail des enfants. En effet, les travaux d’appoint (irrigation manuelle, transport des productions, etc.) sont confiés aux plus jeunes. Les enfants du cercle familial sont particulièrement mis à contribution, après la classe ou pendant les vacances scolaires, et trouvent ainsi une activité (faiblement) rémunérée.
Sur cette photo, deux enfants de la même famille remplissent des arrosoirs de plus de 10 litres chacun dans une zone de hautes herbes, inondée par le fleuve Niger, et située non loin du jardin maraîcher familial. L’enfant au premier plan profite de la pose devant l’appareil pour se soulager de sa charge d’eau trop lourde pour son âge. Avec son comparse, ils fournissent cet effort plusieurs fois par jour.
Village de Diamouguel, département de Kanel, région de Matam (Sénégal, février 2017).
Cécile Daniel (volontaire, Solidarité international).
Au Sénégal, les forages ruraux sont gérés par des associations d’usagers de forage « ASUFOR », afin de garantir une bonne gestion de la ressource à l’échelle du village. Un conducteur de forage est chargé de veiller à la mise en route et à l’arrêt de la pompe, en fonction du niveau de remplissage du réservoir. Un responsable est désigné pour organiser l’alimentation en eau de la population par les bornes fontaines collectives. Les robinets sont ouverts une fois par jour, ce qui permet à chaque famille de se constituer ses propres réserves dans des bidons. Le reste du temps, les robinets sont cadenassés. Le responsable de la borne fontaine est aussi chargé de comptabiliser les volumes prélevés par famille afin de préparer la facturation.
Remerciements
Ce projet a été financé par l’université Paris-Nanterre (service CAPE), le CNRS (UMR 7533 LADYSS), l’ED 396 EOS et le Crous de l’académie de Versailles. Les auteurs remercient les membres du jury de l’exposition photographique : Frédéric Beaumont, Jean-Claude Deutsch, Jean-Marc Porte, Jeanne Riaux, qui ont procédé à la sélection anonyme des 36 photographies retenues sur la base des propositions de contributions soumises au Rés‑EAUx. Leur travail en amont de l’exposition a grandement enrichi la structure finale de ce projet.
Bibliographie
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