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Essais

Couloirs d’exil. Un paysage global de camps

La topographie des réfugiés dans le monde et en Europe révèle des « couloirs d’exil » qui redessinent les frontières aux moyens de camps de natures diverses. Michel Agier décrit la recherche paradoxale d’une construction de la ville dans les contraintes de « l’encampement » imposé par une gouvernance technique et humanitaire internationale.

Un couloir d’exil dessine la topographie des étrangers dans le monde et en Europe. J’en présente ici quelques éléments, du point de vue des politiques européennes de contrôle des migrations, du dispositif de l’encampement dans le monde, de la formation d’un nouveau monde à la frontière, celui des « étrangers », comme contexte social, politique, éventuellement urbain [1].

Le contrôle des déplacements

« Le problème des migrants illégaux est un des défis mondiaux du XXIe siècle, écrit M. Valinakis, adjoint au Ministre des Affaires étrangères grec, dans le quotidien d’Athènes Kathimerini, le 24 juin 2009. L’Europe et notre pays sont au cœur de ce problème mondial à cause de leur position géographique, comme portail vers l’Europe depuis l’Asie, le Moyen Orient, et l’Afrique, et nous sommes exposés à cette pression migratoire. Ce problème est particulièrement aigu pour les régions frontalières de notre pays et, plus particulièrement, pour la frontière orientale de la mer Egée ».
M. Valinakis propose dans la suite de l’article un plan intégré européen qui nécessite la mobilisation de moyens humains et financiers importants, le renforcement de FRONTEX (l’Agence européenne pour la coopération opérationnelle aux Frontières externes), et des accords de réadmission engageant les pays européens, l’Union Européenne et la Turquie. Mais une proposition retient particulièrement l’attention. C’est la première d’une liste de six :

« 1) Un bateau d’un tonnage assez important pour servir de centre de réception et de transport. Ce bateau naviguera au large des îles de la mer Egée où les migrants illégaux seront arrêtés, il les embarquera et les transportera vers les centres de réception qui opèrent déjà ou qui seront mis en opération [sur la côte turque]. Le bateau devra être équipé de l’infrastructure logistique nécessaire pour assurer un contrôle médical complet des migrants illégaux et un contrôle croisé de leurs données d’identification afin de vérifier leur pays d’origine avec certitude et rapidement [2] ».
Dans sa proposition, ce haut fonctionnaire remet en scène, sans le savoir peut-être, les deux notions foucaldiennes des « enfermés dehors » et de l’hétéro-topie (l’espace autre). Car c’est précisément à propos des boat people du Vietnam, des bateaux pleins de réfugiés et errant en mer, qu’au début des années 1980 Michel Foucault déclara « Les réfugiés sont les premiers enfermés dehors ». Et quelques années plus tôt : « Le navire, c’est l’hétérotopie par excellence » (Foucault 2009 : 36). Autres « morceaux d’espace flottants » (Foucault 2009 : 35), les petites îles de Nauru et de Christmas dans le Pacifique sont utilisées par le gouvernement australien comme vastes centres de rétention (celui de l’île Christmas ouvert fin 2007, compte 1400 places).
Pourtant, dans le cas australien, il s’agit de demandeurs d’asile afghans entre 2001 et 2005, afghans et sri-lankais aujourd’hui. Et dans le cas des propositions de l’adjoint du Ministre des Affaires étrangères grec, il s’agit selon ses dires de personnes venant d’Afghanistan, du Pakistan, d’Iraq et de Somalie, c’est-à-dire de pays dont la situation de guerre prolongée, de violence ou de terreur est attestée.
Ce qu’illustre la mise en place de ces bateaux-camps et de ces îles de rétention, c’est que, une fois évacuée la centralité du droit d’asile, l’on peut bâtir une techno-politique de « contrôle des flux » avec toute une logistique qui, à la politique sécuritaire, associe éventuellement un langage du soin et une intervention humanitaires.

L’encampement des indésirables

Le HCR gère en 2008 plus de 300 camps de réfugiés dans le monde dont plusieurs dizaines ont plus de 25 000 habitants et quelques-uns jusqu’à 100 000. Environ six millions de réfugiés statutaires sont maintenus dans ces camps, dont près de la moitié se trouvent en Afrique et le tiers en Asie. Dans les pays du Proche-Orient, on compte 60 camps de réfugiés palestiniens gérés par l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency : l’agence onusienne créée pour les Palestiniens après l’exode de 1948), au sein desquels vivent un million et demi de personnes. Enfin, les camps de déplacés internes (IDPs) sont à la fois les plus nombreux et les plus informels, leur nombre pouvant être estimé à 600 dans le monde : la seule province du Darfour au Soudan compte 65 camps dans lesquels vivent en 2008 près de deux millions de déplacés. Celui de Gereida, abrite 120 000 personnes, il est connu pour être le plus grand camp de déplacés au monde. Outre le Soudan, quatre autres pays − l’Ouganda, la RDC, l’Afghanistan et l’Irak − sont en 2008-2009 les principaux pays de concentration des déplacés internes dans des dizaines, voire des centaines de camps. C’est au total plus d’un millier de camps dans le monde où vivent au moins douze millions de personnes, réfugiées ou déplacées (UNHCR 2007, Amnesty International 2008, Agier 2008). Ce chiffre n’inclut pas les très nombreux campements auto-installés, les plus éphémères et les moins visibles, ni les 250 centres de rétention et zones d’attente en Europe dont les occupants, plusieurs dizaines de milliers, fluctuent sans cesse. Ce qui compte est l’allongement autorisé par l’Union Européenne depuis décembre 2008 de la durée de rétention jusqu’à dix-huit mois (au lieu de trente ou soixante jours jusque là selon les pays) : changement radical puisqu’il suppose, entérine plutôt, le point de vue logistique, qui consiste à construire davantage de centres et zones d’attente, mais aussi à se prévaloir d’une garantie d’assistance humanitaire minimale.
L’organisation des camps devient plus complète, structurée, complexe, des savoirs logistiques sont accumulés, toute une culture technique du kit permet de faire face aux questions vitales de l’approvisionnement en eau (puits, pipelines, citernes plastifiées, camions citernes), de la voierie et de l’assainissement. Les abris d’urgence sont disposés selon des plans d’« urbanisme » élaborés dans les unités techniques du Haut Comité aux Réfugiés (HCR). Certains sujets ont été particulièrement étudiés et leur traitement a évolué depuis quelques années dans les ONG et les agences onusiennes : la sécurité et la rapidité du transport et du regroupement des collectifs de réfugiés (ou de demandeurs d’asile, ou de « retournés ») ainsi que le suivi des convois et de leurs étapes (camps de regroupement => way stations => camp de transit) et le comptage minutieux des transportés ; la qualité des bâches plastifiées couvrant les abris d’urgence (sur lesquels sont éventuellement testés des produits anti-moustique pour éviter la propagation du paludisme) ; ou encore la taille des camps, qui tend maintenant à être réduite, idéalement à 5 000 occupants et ne dépassant pas 10 000, afin de mieux contrôler l’ensemble de l’espace, le rendre mieux vivable et gérable, et afin de prévenir toute situation explosive, émeute ou débordement. La crainte du « riot », de l’émeute, est omniprésente et alimente l’attitude autoritaire des chefs de camps dès qu’un refus ou une revendication collective s’opposent au consensus à la fois compassionnel et technique qui donne sens à l’existence du camp pour ses promoteurs et ses gestionnaires. Par « technique », j’entends la quotidienneté biopolitique de la vie dans les camps, dominée par l’organisation des triages (screening), la répartition spatiale et catégorielle des résidents, la division du travail entre les organisations non gouvernementales en place.

Quatre figures du camp à travers le monde

Quatre figures se détachent quand on essaie de dresser l’inventaire des camps auquel invitent la contemporanéité, la comparabilité et les connexions qui relient entre elles les différentes formes d’encampement aujourd’hui. Les refuges auto-installés et auto-organisés représentent en leur principe la forme même du refuge, l’abri que l’on crée dans un environnement hostile et sans politique d’accueil, l’abri auto-établi à défaut d’hospitalité, ils restent sous surveillance, soit par le regard des organisations humanitaires qui les aident occasionnellement, soit par le contrôle des administrations territoriales ou internationales ou celui des organisations policières qui les surveillent, les détruisent ou transfèrent leur population vers d’autres formes de camps.
Deuxième figure, à l’image des centres de rétention en Europe, un ensemble de « centres de tri » sont placés dans les frontières elles-mêmes et servent de sas sur les circulations de différentes catégories de migrants et réfugiés qu’elles ont pour fonction de canaliser, retenir, réorienter : centres de transit, way stations, centres de rétention, camps d’étrangers, zones d’attente. De cette forme limite de l’encampement dans la frontière, on peut énumérer quelques caractéristiques communes : l’immobilisation, l’attente et le resserrement de la vie quotidienne sur un espace restreint et sous des contraintes multiples ; le trou juridique qui en fait des espaces où l’exception est l’ordinaire ; l’enregistrement des personnes sur fiches, cartes, fichiers d’empreintes ; l’accès difficile aux lieux, éloignés et isolés, contrôlés par des services publics ou privés de police ; les violences commises à l’intérieur et passées sous silence.
Une troisième figure est celle des camps de réfugiés proprement dits (ceux qui sont gérés par les agences onusiennes du HCR et de l’UNRWA). Ils représentent la forme la plus standardisée, planifiée et officielle de cet ensemble. On y trouve une diversité de taille et de formes : camps de tentes individuelles ou collectives, camps stabilisés avec constructions en terre ou en parpaings, villages de réfugiés, installations rurales. La tendance actuelle est à la « miniaturisation » des camps, plus contrôlables et plus malléables. Mais c’est le camp-ville qui est à l’horizon de cette figure-là. Le camp palestinien, ancien de plusieurs décennies et noyau urbain maintenu dans l’informel et la précarité, en représente le modèle vivant.
Enfin, quatrième modalité, les camps de déplacés internes forment des sortes de réserves humaines non protégées. Les plus nombreux, en développement constant à cause des restrictions croissantes à la mobilité internationale, ils peuvent former des agglomérations souvent agglutinées dans les périphéries urbaines des grandes villes (Monrovia, Freetown, Khartoum).
Le camp est l’espace hétérotopique, qu’il occupe les quelques mètres carrés d’un centre de rétention ou la quarantaine de kilomètres d’un village de réfugiés. C’est l’espace d’un exil figé entre deux ailleurs, deux absences. Car le camp comme frontière élargie, durcie, sera littéralement la double absence de qui n’a plus de place, place perdue du pays laissé et place introuvable du pays sans hospitalité.

Les camps comme espaces de la frontière

Qu’est-ce qui permet de rapprocher les camps de réfugiés, unanimement considérés comme des espaces humanitaires de maintien en vie des « vulnérables », et les différents types de camps, centres et zones d’attente qui se développent comme éléments d’une gestion administrative et policière de rétention, triage et expulsion des étrangers indésirables ?
Dans le dispositif de l’encampement en réseau, les savoirs et les pratiques circulent, autant que les personnes. Il s’agit des personnes en déplacement allant d’un camp à l’autre selon les statuts (déplacés internes, réfugiés, demandeurs d’asile, clandestins) et selon les pays où elles se trouvent, mais aussi les travailleurs des organisations onusiennes ou humanitaires qui interviennent dans ces différents types d’espaces (Comité International de la Croix Rouge, Médecins Sans Frontières, Médecins du Monde notamment). Les violences qui se passent dans un centre de rétention du fait de son invisibilité peuvent se passer ailleurs, par exemple dans les zones de transit annexées aux installations plus stables et contrôlées que sont les camps du HCR. Inversement, la prise en charge humanitaire des populations indésirables se manifeste (se théâtralise même) de forme idéale dans un camp de réfugiés, mais le souci d’éviter le scandale ou la « crise humanitaire » est présent en Europe chez les gouvernements les plus avancés dans le contrôle et le rejet des étrangers indésirables. Plus largement, dans le contexte des camps de réfugiés et dans celui du contrôle des étrangers, le dispositif humanitaire se déploie de manière toujours ambiguë, appelé à gérer, comme instrument principal dans certains cas ou auxiliaire dans d’autres, des situations d’exception. Une exception qui peut être créée par une urgence, une catastrophe, un état de guerre, l’arrivée massive d’une population en détresse, mais aussi l’expulsion d’étrangers indésirables, la « traque » que subissent des clandestins de la part des forces de police, le confinement ou la rétention de demandeurs d’asile.
Lorsque le maintien en camp dure bien au-delà du temps de l’urgence, les réfugiés voient leur vie se recréer peu à peu dans une nouvelle peau, celle d’indésirables, à l’épreuve de leur mise à l’écart dans le camp. Là, ils sont « endigués », comme on endigue les déplacements de l’ennemi sur un champ de bataille. L’endiguement, qui désigne d’abord une stratégie militaire visant à piéger l’ennemi, est selon Judith Butler la forme territorialisée de l’expulsion ; cela concerne, note-t-elle, « la façon dont on trace la frontière entre l’intérieur et l’extérieur de l’État-nation » (Butler et Chakravorty Spivak 2007). Les camps d’aujourd’hui sont essentiellement les espaces de cette frontière, c’est ainsi qu’ils participent à la mise en œuvre d’une fiction extraterritoriale où l’étranger est niché. La violence des camps aujourd’hui est d’abord celle de l’endiguement, au sens d’une forme violente de territorialisation de l’autre.

La ville et la politique aux limites

La violence du camp, de toutes les formes de camp en tant que privation de liberté, fait place avec la durée à une forme sociale hybride, aussi trouble que troublante, qui se compose d’accommodements, de débrouilles, de contournements et de corruptions, de tactiques et de stratégies qui relèvent d’une certaine résilience. Pour qui parcourt aujourd’hui les différentes figures de camps réparties dans le monde, le modèle de transformation des camps qui durent n’est pas le « camp de la mort » [3] ; c’est la vie (et la ville) résiliente, c’est la présence récalcitrante de l’étranger exclu qui creuse l’espace de sa survie là où il a été mis et d’où il ne peut plus sortir.
L’incendie du Centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes en juin 2008 a marqué la fin d’une confrontation qui avait commencé six mois plus tôt et avait opposé les occupants (dont le nombre est allé jusqu’à 250) à la police française (Libertalia 2008). La liste de doléances des retenus est longue et associe des demandes très précises et quotidiennes (contre une alimentation périmée, des conditions sanitaires humiliantes, une durée de rétention dépassant la limite légale, un harcèlement répressif et une chasse à l’homme des policiers) à des doléances profondes sur les expulsions (par exemple, l’inhumanité et la violence du traitement des expulsés au moment de leur transfert vers les aéroports).
C’est la mise au ban jusqu’à la privation de liberté qui est visée par cette révolte (« on est en prison à cause des papiers »). Celle-ci s’est exprimée durant plusieurs mois par des refus de manger, d’être comptés, puis finalement par l’incendie du CRA lui-même, point culminant du mouvement : « Présenter les choses comme un drame ou accuser des éléments extérieurs d’être responsables de l’incendie, c’est nier la capacité de révolte des retenus et les déposséder de la portée de leur action », note le collectif de soutien au mouvement (Libertalia 2008 : 138). En outre, l’incendie du CRA de Vincennes a eu des effets immédiats : « La machine à expulser a été enrayée : 280 places en rétention en moins, c’est concrètement moins de sans-papiers enfermés chaque mois ». Dans les mois qui suivirent l’incendie, il y eut moins de rafles à Paris, moins d’étrangers jugés aux audiences du Juge des Libertés et de la Détention. Une politique du refus et de la réticence (comme les refus d’embarquer de la part des expulsés) est exactement la réplique technique du dispositif technique de l’encampement, elle touche directement à son fonctionnement.
Une forte tension sociale (et, dans le sens ci-dessus, politique) existe dans tous les centres de rétention et d’hébergement pour étrangers en Europe. Des actes de révolte – émeutes, grèves de la faim, incendies volontaires − ont lieu régulièrement dans la plupart de ces lieux, en signe de protestation contre les conditions de rétention et d’attente : au Luxembourg en janvier 2006, au Royaume-Uni en novembre 2006, en France entre décembre 2007 et juin 2008, puis aux Pays-Bas au second semestre 2008.
Le camp, c’est enfin la figure du ghetto, urbain et politique, comme l’illustrent les camps palestiniens. Par exemple, dans la ville de Naplouse, se trouvent quatre camps de réfugiés qui ont été édifiés entre la fin des années 1940 et le début des années 1960. Là, comme dans les banlieues populaires d’autres continents, certains réfugiés quittent le camp pour s’installer dans un quartier de la ville dès que leurs ressources le leur permettent. Ainsi, être réfugié du camp de Balata, c’est certes habiter le plus grand camp de réfugiés de Cisjordanie (25 000 habitants), mais c’est aussi vivre à Naplouse dans une condition subalterne, stigmatisée mais bien présente et vivante. « Réfugié » est devenu en Cisjordanie, et plus largement au Proche-Orient, le nom du statut inférieur de la condition urbaine palestinienne. Les camps de Naplouse sont le pôle négatif d’une ségrégation qui induit une « ghettoïsation » et qui incite les réfugiés à quitter les camps s’ils veulent s’élever socialement ou alors à les transformer de l’intérieur grâce au développement d’une économie informelle, d’une transformation de l’habitat. Enfin, c’est dans le cadre d’une politique du ghetto qu’on peut lire aussi, aujourd’hui, les manifestations les plus radicales de l’identité politique palestinienne.

En conclusion, deux orientations sont contemporaines dans le traitement des étrangers en Europe et dans le monde, et dans la configuration des espaces frontières de l’exil. Sous un premier angle de vue, les camps font la frontière entre les États-nations, celle-ci s’élargit et devient un vaste dispositif sans frontières qui prend la forme du couloir d’exil : aux fondations on trouve toute une logistique complexe et relevant de la forme à la fois réticulaire et souple du dispositif. On trouve des centaines d’ONG, l’argent des Nations Unies, d’ECHO (Service d’aide humanitaire de la Commission européenne) et de millions de donateurs privés du Premier monde. On trouve une gestion technique, compassionnelle et autoritaire, un régime d’exception qui n’a pas de place et pas de temps pour la démocratie. Les camps forment ainsi un paysage global qui va du campement auto-installé de la « jungle » périurbaine à Calais ou Patras au vieux camp de réfugiés du HCR en Afrique, en passant par le camp-ghetto palestinien et le centre de rétention ou détention en Europe. Ils sont les repères spatiaux qui jalonnent les parcours de personnes en déplacement pouvant changer de catégorie d’identification d’un lieu à l’autre − de déplacé interne à réfugié, de demandeur d’asile à clandestin...
Selon un second point de vue, contemporain du premier, les camps sont aussi des espaces de socialisation dans une exception ordinaire et, sous des formes radicales et parfois inédites, des espaces politiques. Au bout du compte, dans ce dispositif en forme de réseaux se construit et se reproduit quelque chose comme un autre monde ailleurs, une hétérotopie ayant forme vivante, sociale et éventuellement urbaine.
Ainsi, la frontière infranchissable devient le lieu d’une fixation humaine et sociale, le lieu parfois d’une genèse urbaine et politique à la marge.

Ce texte est tiré d’une intervention présentée à la conférence « Vivir en la diversidad Por una política de esperanza en Europa », Centro de Cultura Contemporánea de Barcelona, 4-5 mars 2010.

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Références citées

  • Agamben, Giorgio. 1997. Homo sacer. Le pouvoir souverain et la vie nue, Paris : Seuil.
  • Agier, Michel. 2008. Gérer les indésirables. Des camps de réfugiés au gouvernement humanitaire, Paris : Flammarion.
  • Agier, Michel. 1999. L’Invention de la ville. Banlieue, township, invasions et favelas, Paris : Éditions des Archives contemporaines.
  • Amnesty International. 2008. Soudan. Les Déplacés du Darfour. La génération de la colère, Paris : A.I.
  • Brossat, Alain. 2008. « L’espace-camp et l’exception furtive », Lignes, n° 26, p. 17-19.
  • Butler, Judith et Chakravorty Spivak, Gayatri. 2007. L’État global, Paris : Payot.
  • Foucault, Michel. 1966. « Les hétérotopies », conférence radiophonique (France Culture, 7-21 décembre 1966), in Foucault, Michel. 2009. Le corps utopique, Les hétérotopies (textes inédits suivis d’une présentation de Daniel Defert), Paris : Nouvelles éditions Lignes.
  • Libertalia (coll). 2008. Feu au centre de rétention (janvier-juin 2008). Des sans-papiers témoignent, Paris : éditions Libertalia.
  • UNHCR. 2007. La cartographie des camps de réfugiés à l’appui de la gestion et de la planification, Genève : HCR, Division des services opérationnels, mars.

Pour citer cet article :

Michel Agier, « Couloirs d’exil. Un paysage global de camps », Métropolitiques, 1er décembre 2010. URL : https://metropolitiques.eu/Couloirs-d-exil-Un-paysage-global.html

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