Accéder directement au contenu
Piste de l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle (J.-B. Fretigny, 2022).
Entretiens

L’université peut-elle apprendre à se passer de l’avion ?

Par leurs travaux, les scientifiques jouent un rôle décisif dans la lutte contre le changement climatique. Mais qu’en est-il de leurs mobilités, où l’avion joue un rôle majeur ? Tamara Ben Ari, du collectif Labos 1point5, et Parke Wilde, du réseau Flyingless, jettent les bases d’un changement de pratiques.

Entretien réalisé par Thomas Evariste (Forum Vies Mobiles), Jean-Baptiste Frétigny, Maxime Huré et Thomas Pfirsch (pour la rédaction de Métropolitiques).

Vos associations respectives, l’une en France, l’autre aux États-Unis, réfléchissent aux actions de transition écologique dans les milieux universitaires et scientifiques. La mobilité figure parmi les sujets importants de cette transition, en particulier pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre. Pourquoi est-il si important que les universités prennent leur part ? Comment les chercheurs eux-mêmes agissent, ou pourraient agir, pour réduire leurs émissions ?

Tamara Ben Ari – La nécessité de l’engagement des personnels ou institutions dans l’atténuation du changement climatique est une question nouvelle dans le paysage de la recherche française. Plusieurs idées y sont associées et, si l’exemplarité est parfois citée, je lui préfère la notion de cohérence. La recherche produit elle-même un corpus de connaissances et forme les jeunes générations à la vie dans un monde qui, idéalement, ferait une utilisation bien plus raisonnée des ressources. Il est important aussi de se confronter concrètement aux logiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et ce que cela implique en termes de choix et de décisions collectives : qui décide ? comment ?

Une des premières tâches du projet Labos 1point5 a été de construire un outil d’estimation des émissions de GES destiné aux unités de recherche en France publié en 2022 (en cours d’élargissement, notamment en Europe et aux États-Unis) et adossé à la construction d’une base de données nationale sur une gamme la plus diverse possible de disciplines scientifiques.

À l’heure actuelle, plus de 900 unités de recherche (soit environ une sur deux en France) utilisent l’outil GES 1point5. Contrairement à ce qui était attendu, ce sont les achats qui pèsent le plus lourd dans les bilans GES des unités. Les déplacements professionnels arrivent après (autour de 20-25 % d’après nos estimations) et sont presque exclusivement dus aux émissions du transport aérien (96 %), notamment les très longs trajets (64 % des émissions sont liées à 10 % des trajets intercontinentaux), pour lesquels il n’existe pas, à l’heure actuelle, d’alternative bas carbone.

Le principe posé par Labos 1point5, et qui je pense a très largement infusé dans les institutions, est qu’il est important que les options de réduction soient discutées et votées au sein des collectifs de recherche, par les personnels, au plus près de leurs contraintes et objectifs scientifiques et non de façon centralisée. Certaines unités ont par exemple mis en place des chartes ou des suivis individuels. D’autres ont misé sur des quotas carbone individuels ou collectifs. Nous tentons de dresser le panorama complet en ce moment, au travers d’une plateforme d’échange et de récolte de données sur la transition des unités de recherche (plateforme « Labos en transition »).

Parke Wilde – L’un des points forts de l’initiative Labos 1point5, comme l’explique Tamara, est l’attention prêtée à la façon dont les institutions de recherche et d’éducation peuvent prendre des décisions aboutissant à des transformations éthiques et favorables à la préservation du climat. Cela suppose d’abord de recueillir des données sur les institutions et leurs émissions. Il faut ensuite utiliser ces données dans le processus de prise de décision, en étant suffisamment attentif aux points de vue des différentes parties prenantes et aux différences d’objectifs et de contraintes entre les institutions de recherche. Dans nos deux contributions à ce dialogue, Tamara et moi avons partagé des ressources qui donnent des exemples sur ce qui a été mis en place ailleurs, et donc sur une multitude de possibilités que les institutions peuvent adapter à leurs besoins spécifiques.

Les universités ont une formidable occasion de montrer comment elles peuvent prendre leur part dans l’action climatique et énergique dont le monde a si désespérément besoin, en ayant le courage de transformer les secteurs d’activité non seulement lorsque le changement ne coûte rien, mais aussi lorsqu’il implique des coûts et des compromis raisonnables. Le monde académique incite généralement à être ambitieux face à ces coûts et ces compromis : les urbanistes encouragent par exemple les municipalités à investir leurs maigres ressources dans des projets coûteux de transport ferroviaire, et les experts en diplomatie climatique encouragent la Chine et l’Inde à abandonner le charbon en faveur d’énergies plus vertes. Comment les communautés universitaires peuvent-elles recommander aux autres de telles transformations si nous ne sommes pas disposés à changer notre propre secteur ?

L’initiative internationale #flyingless (flyingless.org) est un réseau informel d’universitaires qui, depuis près de dix ans, interpelle les universités pour leur demander de prendre quatre mesures : (1) intégrer tous les voyages en avion liés à l’université dans l’évaluation de leur impact environnemental ; (2) favoriser les conférences virtuelles et les moyens de transport bas carbone pour les chercheurs, le personnel et les étudiants ; (3) fixer des objectifs ambitieux de réduction des émissions, conformes aux préconisations de la climatologie ; (4) user de leur influence auprès des associations professionnelles et des financeurs pour réduire le nombre de voyages en avion et promouvoir des modes de transport alternatifs. Notre pétition a reçu 2 000 soutiens et nous servons de pôle de communication pour des initiatives plus spécifiques de conférences bas carbone dans divers domaines de recherche. Une initiative en Allemagne propose une boîte à outils d’actions universitaires (flyingless.de). Un guide de ressources participatif, dirigé par Ryan Katz-Rosene et ses collègues, propose des dizaines d’articles, d’outils, de déclarations et de synthèses de données.

Ces initiatives universitaires sont liées à des actions qui partagent le même but, dans le monde entier. Le mouvement FlightFree, davantage orienté vers les individus, compile des engagements à ne pas prendre l’avion pendant une certaine période. Localement, des dizaines de mouvements collectifs voient le jour pour limiter le bruit et la pollution causés par les aéroports (par exemple, schipholwatch.nl). Le mouvement Rester sur Terre (Stay Grounded), enfin, rassemble plus de 200 organisations.

Tamara Ben Ari – C’est en effet une formidable occasion ! D’autant plus que les universités sont des lieux de création de savoir sur la crise climatique, ainsi que sur les coûts et les dangers de l’inaction. Malheureusement, l’observation des politiques institutionnelles en la matière est décevante. En se concentrant sur la sensibilisation ou les « éco-gestes », celles-ci témoignent d’une très grande frilosité. Ce constat est également valable lorsqu’on examine les comportements des scientifiques eux-mêmes, dont une majorité considère encore la décarbonation de leurs pratiques comme un risque, notamment pour leur productivité scientifique. Alors, comment pouvons-nous transformer le monde académique en un laboratoire de transition ?

Pour certains chercheurs, le voyage en avion est un attribut essentiel de leur activité. Comment peut-on alors envisager de changer le rapport à la mobilité, et donc au temps, de tout un système académique reposant sur de fortes injonctions de productivité, qui s’inscrivent dans l’accélération du monde pointée par Hartmut Rosa ?

Tamara Ben Ari – Et parmi les personnels de recherche on observe aussi une distribution très hétérogène ! Avec environ 10-15 % des personnels qui réalisent 50-60 % des vols. Les raisons de voyager sont multiples (acquisition de données, enseignement, conférences, administration de la recherche, jurys, etc.). Cependant, la littérature scientifique suggère que les raisons de voyager sont aussi liées aux rétributions symboliques ou concrètes qu’elles facilitent (visibilité, citations, financements, postes, etc.). Dans une étude récente nous avons montré qu’il y a une corrélation robuste entre le nombre de vols et le nombre de publications ou le H-index – un indicateur de productivité et d’impact scientifique – et que cette corrélation se maintient même lorsque l’on corrige par l’âge, la discipline ou le genre. Les prescriptions actuelles en matière d’évaluation s’inscrivent en effet dans une forme de productivisme scientifique qui facilite ou même encourage à faire une utilisation intense des ressources. Par exemple, quand il faut produire des listes de conférences internationales dans les évaluations individuelles ou collectives. C’est un phénomène relativement récent et l’accélération que vous mentionnez se détecte d’ailleurs très bien dans l’inflation du nombre de conférences, de journaux ou de publications. Avec de nombreuses dérives associées, d’intégrité notamment. Mon expérience après quatre années de travail sur ce sujet, est que les réflexions sur la diminution de notre empreinte, ou d’utilisation des ressources, s’inscrivent dans une réflexion plus large sur les prescriptions de l’enseignement supérieur et la recherche en termes d’évaluation et de financement. Pour tenter de retrouver du sens et s’inscrire dans un mouvement plus large de transformation de la société, il faut questionner en profondeur le rôle social de la recherche, comme c’est le cas dans d’autres services publics, pour réussir à se concentrer sur l’essentiel… pour autant que nous arrivions à nous accorder sur celui-ci.

Parke Wilde – Comme le souligne Tamara, il faut que les institutions changent pour répondre à l’urgence climatique, d’une manière qui réponde à la fois aux objectifs de recherche et aux nécessités de carrière des chercheurs. Les politiques institutionnelles d’évaluation de la productivité de la recherche, dans le cadre des décisions d’embauche et de promotion, peuvent se concentrer sur des indicateurs permettant de mettre en valeur ce qui a été accompli, plutôt que sur des mesures superficielles de prestige. Lorsqu’ils envisagent des alternatives aux présentations traditionnelles, nécessitant un déplacement en avion, les chercheurs ne doivent pas s’arrêter sur les possibilités qui leur plaisent le moins, mais sur celles qui sont les plus adaptées à leurs besoins et à la situation. Certains chercheurs peuvent augmenter leur temps de recherche et d’écriture en réduisant leurs déplacements professionnels, ou entretenir des amitiés et des collaborations à distance entre deux événements en présentiel. Ils peuvent aussi combiner plusieurs voyages en un seul séjour plus long, recommander un étudiant ou un jeune collègue pour intervenir à leur place, ou encore travailler davantage dans le train ou le bus en se rendant à des colloques. Dès lors que l’on reste ouvert aux différentes possibilités, l’action climatique éthique devient plus réaliste et plus attrayante.

La bonne nouvelle est que les universités ont la possibilité de réduire très fortement leurs émissions liées à l’aviation, sans altérer ni leur efficacité, ni les conditions de travail en leur sein. Si la transformation des universités en faveur du climat nécessitait de sacrifier leur contribution à la science et au bien public, nous ferions véritablement face à un dilemme terrible. Fort heureusement, ce n’est pas le cas.

Lorsque je présente en public notre initiative #flyingless, je suis souvent confronté à des commentaires sur l’importance de certains vols : par exemple pour postuler à un emploi déterminant pour sa carrière, pour se rendre sur un site de recherche ouvrant des perspectives décisives pour la climatologie, ou encore pour rendre visite à une famille dispersée par la violence et les injustices du monde. Rassurez-vous, notre initiative ne porte pas sur ces vols si précieux. Une fois ceci admis, je retourne la question sur les autres voyages : par exemple, les vols transcontinentaux pour parler en dernier dans un panel de 60 minutes rassemblant quatre personnes, alors que les trois premiers intervenants ont déjà dépassé le temps qui leur était imparti. Mes collègues universitaires adorent raconter de telles expériences, qui sont de fait très fréquentes. Je demande à mes interlocuteurs d’imaginer une ligne horizontale permettant de classer tous leurs vols, de la valeur la plus faible à la plus élevée par unité d’émission de gaz à effet de serre. En commençant par la valeur la plus faible, combien de vols pourrions-nous supprimer sans nuire à nos principaux objectifs et résultats ? Au final, la plupart de mes collègues ou amis répondent qu’ils pourraient sacrifier la moitié de leurs vols sans rien perdre d’essentiel.

Lorsque j’ai réellement pris conscience du problème il y a près de dix ans, je me suis lancé dans une expérience : renoncer à tous les vols non nécessaires, sachant que je devais faire preuve d’introspection et d’honnêteté pour définir ce qui était « nécessaire » et ce qui ne l’était pas. Par exemple, si un voyage aérien était indispensable pour garder mon travail, ou devait représenter la seule chance de rendre visite à mes parents vieillissants, j’étais prêt à l’entreprendre, mais je devais m’astreindre à accepter des sacrifices modestes sur ma visibilité professionnelle ou mon confort. J’ai été stupéfait de me rendre compte qu’aucun de mes vols n’était nécessaire. Je n’ai pas pris l’avion depuis. Je sais que supprimer totalement les voyages en avion ne peut pas convenir à tout le monde, mais j’espère tout de même que cette expérience pourra fournir à d’autres des informations utiles.

En chemin, j’ai beaucoup appris sur ce que pouvait être une approche plus écologique de la vie universitaire. Je raconte ces expériences dans un programme légèrement satirique sur les voyages universitaires et le tourisme, intitulé Lifestyles of the NOT Jet Set et à travers une carte de voyage interactive pour la revue en ligne de mon université, TuftsNow.

Tamara Ben Ari – J’ai découvert ce programme, ce qui m’a permis de redécouvrir la positivité de Parke ! Cela me ramène à notre premier échange en visio début 2019 (à une époque où c’était encore presque folklorique), dans la salle virtuelle personnelle déjà équipée de Parke. Il m’a demandé quel était le son de cloche derrière moi, car il aimait retrouver « a sense of place » dans ces communications virtuelles. Son enthousiasme communicatif permet de convaincre qu’il est possible de faire différemment.

Mais comment agir lorsque ce « différemment » remet en question l’accès à un poste ou réduit les possibilités de financement de la recherche dans la compétition scientifique internationale impitoyable ? Que dire aux jeunes scientifiques (qui ne souhaitent déjà plus voyager depuis longtemps) lorsqu’ils luttent malgré tout avec le paradoxe d’une recherche qui contribue à détruire les objets qu’elle étudie ? Lorsqu’ils ne voient plus dans la science un moyen de guider les sociétés en ces temps de crise ?

Le recours au numérique plutôt qu’aux interactions en face-à-face pour éviter certains déplacements carbonés est une solution possible. Mais comment éviter que cela ne creuse un certain nombre d’inégalités, notamment entre les pays des Nords et ceux des Suds ? Ou vis-à-vis des jeunes chercheurs qui tentent de se constituer un réseau de relations où l’informel et le présentiel jouent un rôle clé ?

Tamara Ben Ari – De nombreux témoignages recueillis dans Labos 1point5 convergent sur le fait que la recherche pousse les personnels à des déplacements qu’ils jugent trop nombreux, que les déplacements sont concentrés sur les personnels seniors masculins, plutôt dans les sciences naturelles, et que les jeunes générations ne souhaitent pas perpétuer ce modèle. De plus en plus d’études se penchent sur le modèle des conférences virtuelles, pour dépasser la simple substitution. La solution des « hubs locaux » connaît un écho important car elle permet de minimiser les impacts (en optimisant les déplacements et le report modal) tout en gardant une convivialité humaine favorable aux échanges d’idées et à la construction de collaborations nouvelles. De plus, les effets d’inégalités d’accès en fonction des pays d’origine, du genre ou des situations de handicaps, qui ont été trop longtemps invisibilisées, peuvent bénéficier de la généralisation des modes hybrides.

Cependant, il est à parier que si les mécanismes qui poussent les scientifiques à faire un usage déraisonné de l’avion ne sont pas considérés en profondeur, cet usage se reportera simplement sur d’autres ressources. La substitution ne peut donc pas être l’horizon de la transformation de la recherche. Il y a quelque chose de profond à questionner pour mettre la recherche sur une trajectoire compatible avec l’équilibre de la vie sur terre. La compétition entre les individus, les universités, les organismes et les pays ou encore les liens avec l’industrie et le rapport à l’innovation technologique en font partie. Plusieurs courants actuels dans la science questionnent les modalités et les objets de la science mais aussi la façon dont ils s’insèrent dans d’autres types de savoirs, c’est le cas de la science de la durabilité par exemple. Il existe aussi des courants qui cherchent à relier les questionnements sur l’éthique environnementale de la recherche à ceux liés au colonialisme, aux inégalités de genre ou aux inégalités sociales. Ce sont des pistes importantes pour construire une recherche plus humaine dans les décennies à venir.

Parke Wilde – Soulignons tout d’abord que la contribution de Tamara et la mienne apportent toutes deux une réflexion sur la possibilité de rendre la communication à distance plus conviviale.

Pendant la pandémie, alors que de nombreux colloques ont basculé sur un format en ligne, j’ai travaillé avec des collègues de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, qui repensaient l’organisation de leur conférence sur l’agriculture, la nutrition et la santé. Sous la direction de Joe Yates et Suneetha Kadiyala, nous avons fait de cette étude de cas un article pour la revue The Lancet Planetary Health [1]. Cette conférence annuelle a toujours eu lieu dans les pays du Sud global, pour des raisons liées aux questions essentielles d’équité dans les réunions scientifiques : l’Éthiopie (2016), le Népal (2017), le Ghana (2018) et l’Inde (2019), avant d’être organisée en ligne en 2020. Pour chaque événement, nous avons mesuré les émissions liées à l’aviation d’un côté, les résultats souhaitables de l’autre, comme la participation et la satisfaction des participants. Notre objectif était d’évaluer le compromis sous forme de ratio, par exemple le nombre de participants perdus par unité de gaz à effet de serre évitée. Nous avons été surpris lorsque nos données n’ont montré aucun impact défavorable. La participation a bondi en 2020 alors que les émissions liées à l’aviation plongeaient, et la satisfaction des participants est restée élevée. Bien sûr, notre étude de cas a dû souligner les pertes bien réelles en termes de conversations informelles autour d’un café, par exemple, mais il était frappant de remarquer que la majeure partie des émissions liées à l’aviation avait toujours été le fait de voyageurs provenant de pays riches.

Pour répondre à votre question sur les rapports Nord-Sud, je ne dis absolument jamais à des chercheurs en début de carrière, qui résident dans le Sud global ou qui luttent contre les barrières injustes à l’entrée dans la vie universitaire aux États-Unis et en Europe, de renoncer à un vol qu’ils jugent suffisamment important pour justifier les émissions de carbone. Je me fie à leur jugement. Je suis davantage préoccupé par les émissions bien plus importantes liées aux voyages aériens d’universitaires plus établis.

Dans la revue Nature Human Behavior, Sarvenaz Sarabipour et ses collègues [2] ont étudié 270 colloques universitaires nationaux et internationaux qui se sont tenus en présentiel avant la pandémie. Ils ont conclu que ces événements, loin de servir les carrières naissantes et les travaux peu reconnus, reproduisaient souvent la structure existante des privilèges.

Je suis particulièrement intéressé par les innovations qui dépassent les simples présentations Zoom et tentent d’intégrer les aspects humains et sociaux des colloques. Par exemple, dès avant la pandémie, une série de colloques de premier plan dans le domaine de la musique et de la psychologie est passée à un format reliant des pôles en présentiel, en mettant particulièrement l’accent sur la justice et l’inclusion de tous, avec des sites en Argentine, en Australie, au Royaume-Uni et en Europe [3]. Dans une analyse quantitative comparative des différentes possibilités de colloques bas carbone parue dans Nature, Klöwer et ses collègues [4] ont conclu que ce format permettait de réduire considérablement les émissions. Dans l’ensemble, nous pouvons satisfaire nos objectifs en matière de relations interpersonnelles et notre soif de justice et d’équité, tout en repensant le rôle du transport aérien dans la vie universitaire.

Tamara Ben Ari – Je partage le sentiment de Parke selon lequel les innovations sociales ont brillamment réussi à montrer qu’il était possible de se passer d’un très grand nombre de conférences internationales. Il me semble que l’on pourrait déjà presque considérer cette question comme close. Mais celles qui s’ouvrent devant nous sont complexes : comment décarboner les grandes infrastructures de la recherche (télescopes, accélérateurs de particules, centres de calcul) ? Comment et quelles activités réduire ? Qui peut ou doit décider ? Transformer la recherche académique pour la mettre sur une trajectoire compatible avec les équilibres du climat et de la biosphère est une entreprise bien trop lente au vu, comme l’a souligné Parke, de la faiblesse des coûts et des compromis que cela impliquerait. Les scientifiques auront-ils une ambition à la hauteur de la gravité des crises qu’ils ont eux-mêmes largement contribué à rendre visibles ?

Faites un don

Soutenez
Métropolitiques

Soutenez-nous

Pour citer cet article :

Tamara Ben Ari & Parke Wilde, « L’université peut-elle apprendre à se passer de l’avion ? », Métropolitiques, 17 octobre 2024. URL : https://metropolitiques.eu/L-universite-peut-elle-apprendre-a-se-passer-de-l-avion.html
DOI : https://doi.org/10.56698/metropolitiques.2090

Lire aussi

Ailleurs sur le net

Newsletter

Recevez gratuitement notre newsletter

Je m'inscris

La rédaction publie

Retrouvez les ouvrages de la rédaction

Accéder

Faites un don

Soutenez
Métropolitiques

Soutenez-nous
Centre national de recherche scientifique
Revue soutenue par l’Institut des Sciences Humaines et Sociales du CNRS

Partenaires