Loin de s’apparenter à ce « chewing-gum mental » que dénonçait l’architecte Frank Lloyd Wright, reléguant le spectateur à la passivité et à l’impuissance, les séries apparaissent aujourd’hui comme un formidable moyen d’explorer la ville et l’urbanité états-uniennes que ne proposent pas d’autres médias, notamment en raison de leur traitement spécifique de l’espace et du temps. En nous confrontant régulièrement aux mêmes lieux, les séries posent un cadre d’analyse à partir duquel il est possible d’observer, de façon quasi sociologique, les faits et gestes des divers protagonistes. C’est le cas de The Wire où le long déclin de Baltimore constitue le véritable sujet de la série. De plus, le suivi dans le temps long, parfois sur plusieurs années, permet aux séries de montrer l’évolution des cadres bâtis liés aux mutations urbaines ou paysagères, comme la désindustrialisation de Détroit ou des small towns (Hung, Supernatural), la suburbanisation (Desperate Housewives, Breaking Bad) ou la reconstruction de la Nouvelle-Orléans après une catastrophe (Treme). Dans ce cadre mouvant, les protagonistes sont à la fois les acteurs et souvent les victimes d’événements et de politiques qui les dépassent. Au rythme des épisodes et des saisons, le spectateur accède à une compréhension non immédiate mais diachronique ou narrative de l’urbanité contemporaine, dont le sens n’est pas donné une fois pour toute.
Les séries constituent ainsi de véritables terrains d’observation des villes nord-américaines et, peut-être au-delà, des miroirs tantôt déformants, tantôt grossissants où se reflète une condition urbaine, dans laquelle nous nous reconnaissons confusément. On comprend alors mieux pourquoi elles nous fascinent, à défaut de nous rassurer.
- « Southland, ou la traversée des frontières à Los Angeles », Marjolaine Boutet, 31 octobre 2011
- « Agrestic, ton univers impitoyable. La série américaine Weeds », Anne Bossé & Laurent Devisme, 4 novembre 2011
- « Supernatural small-town America. Errance hantée dans les vestiges de l’Amérique industrielle », Élisabeth Tovar, 7 novembre 2011
- « The Wire sur écoute », Amélie Flamand, 11 novembre 2011
- « Urbanités et conquête de l’Ouest. Deadwood versus La petite maison dans la prairie », Jean-Michel Roux & Nicolas Tixier, 14 novembre 2011
- « The Wire au coin de la rue. Quand une série télévisée fait de la sociologie », Thibault Cizeau, 18 novembre 2011
- « The Chicago Code : une série à Chicago, sur Chicago », Ludivine Gilli, 21 novembre 2011
- « Quand la critique des suburbs » envahit les séries télévisées américaines », Gérald Billard & Arnaud Brennetot, 23 novembre 2011
- « Miami, un décor à l’envers. Géographie comparée de la métropole à travers Miami Vice et Dexter », Bertrand Pleven, 2 décembre 2011
- « Paris plein, Paris vide. Les paysages de périphéries dans les séries policières françaises », Ioanis Deroide, 25 janvier 2012
- « Du foyer au bureau : « Mad Men » ou l’irrésistible ascension des femmes », Nicole Rudolph, traduit par Alice Delarbre, 14 mars 2012